M. Marc GERMAN / La dimension culturelle française pivot de nos exportations stratégiques

Monsieur Marc GERMAN, Trésorier de l’Association France Moyen-Orient de la Légion d’Honneur.

Puisque le Cercle Richelieu Senghor s’intéresse aux problèmes de société sous l’angle de la francophonie et du dialogue des cultures, la tribune qui m’est offerte aujourd’hui, par sa présidente Madame Anne-Marie Cordelle, est particulièrement adaptée à l’évocation de la dimension culturelle dans les exportations stratégiques françaises. Merci Madame la Présidente pour votre intuition, votre réactivité et votre bienveillance à mon égard, mais aussi pour l’action efficace que vous menez avec l’énergie, la méthode et la vision prospective propres aux entrepreneurs.

Dans le cadre des appels d’offres internationaux pour des « marchés stratégiques », les principaux compétiteurs de nos entreprises françaises sont souvent issus de pays alliés. En réponse aux besoins exprimés par les clients, si nous proposons des produits parfois différents, ils ont les même bases technologiques et sont proposés dans une même enveloppe budgétaire souvent déterminée par le client luimême…

Si la différence ne se fait ni sur la technologie, ni sur le prix, alors comment distinguer l’offre française ? Par la valorisation de la « dimension culturelle »… Après avoir précisé ce qu’est un « marché stratégique », il s’agir de définir ce qu’englobe la « dimension culturelle » et d’évoquer les attitudes, les méthodes et les outils pour les valoriser.

Un monde globalisé

L’effondrement de l’URSS, l’ouverture des frontières, la mobilité des biens et services grâce à l’essor des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) ont engendré la globalisation de l’économie mondiale. Sans parler de choc des civilisations, cette grande ouverture des frontières favorise, a minima, l’embrassement des cultures.

Avec la disparition du géant rouge et de l’ancien contexte stratégique bipolaire, le monde a changé profondément. Des forces se sont libérées, la confrontation est/ouest s’est muée en concurrence économique tous azimuts et de nombreux pays émergent (re-émergent) ; Alors qu’il n’était que « compliqué » et « prévisible »le monde est devenu « complexe » et fait désormais la part belle à « l’incertitude ».

Le compliqué est défini comme la capacité à pouvoir décrire en totalité tout phénomène, indépendamment du temps et des moyens à y consacrer.

Le complexe à l’inverse serait « la mesure de notre ignorance » car l’incertitude pose plus de problème. Alors qu’il est devenu indispensable de faire de la prospective, on ne fait encore que de la bonne vieille prévision. Puisque le monde à profondément changé, comment demander au passé de prédire l’avenir ?

Par la volonté des partisans de la mondialisation notre planète pourtant vaste et si diverse se réduit à un village global aux ruelles inextricables…

Changer d’approche…

Par conséquent, les approches traditionnelles du commerce international et du marketing international doivent s’élargir. Les exportations constituent un élément fondamental de la compétitivité de l’économie française. Pour exemple, ce sont surtout les résultats à l’export qui permettent aux industriels de maintenir et d’augmenter leur budget consacré à la recherche, sans que soit nécessaire le recours systématique aux crédits publics de l’État providentiel. Il s’agit que la France puisse conserver ses centres d’excellence et notamment ses bureaux d’études et n’abandonne pas certains créneaux stratégiques à la concurrence.

Or le constat veut que depuis 1995, dans le cadre des exportations stratégiques (Énergie, Aéronautique, Automobile, Ferroviaire, Électronique, Défense, …), les entreprises françaises ne cessent de perdre des parts de marché à l’export prouvant leur incapacité à endiguer une concurrence internationale exacerbée. Les faits sont têtus : les uns après les autres, les marchés stratégiques, notamment ceux sur lesquels on communique le plus, échappent à nos industriels. Ce n’est pas d’absence de compétences dont il est question mais de la façon de savoir mener les affaires.

La terminologie militaire qualifie d’«asymétriques» les conflits irréguliers, en référence à la façon occidentale traditionnelle de mener les conflits, or les guerres d’aujourd’hui sont toutes asymétriques. La règle, en la matière, c’est qu’il n’y a pas de règle et l’approche conventionnelle de la force régulière est totalement inappropriée. Il en va de même pour les exportations stratégiques qui, par définition, se situent hors du champ des affaires régulières…

Les dégâts culturels collatéraux de la globalisation…

L’époque n’est plus propice aux invasions militaires, car il existe désormais bien d’autres moyens de domination, plus long mais plus surs et moins destructeurs (subversion, monnaie et économie, pouvoir intellectuel comme prélude au pouvoir politique, …) La globalisation se traduit par le démantèlement des barrières qui s’opposent à la circulation des marchandises, des finances et des populations, mais aussi, par la généralisation des NTIC qui modifient « instantanément » les perceptions et les attitudes par l’accès immédiat à toutes les informations et les images (quel que soit le degré qualitatif). Cette nouvelle ère est propice aux jeux d’influence.

La globalisation du marché pousse les entreprises à l’adoption d’une stratégie axée autour d’une politique de standardisation à l’échelle mondiale. Les offres proposées sont standardisées avec un marketing indifférencié. Les entreprises qui se veulent désormais globales essaient de dépasser le stade des différences culturelles et se heurtent à la difficulté d’appliquer un système de croissance universel fondé sur des critères essentiellement technico-économiques.

Les entreprises dites globales ou transnationales n’accordent pas une importance capitale à l’attachement à leurs pays d’origine car elles prônent la mixité culturelle, elles tendent à perdre leur identité nationale. Leur quête d’avantage concurrentiel au niveau mondial se brise car il est de nombreux domaines où les dimensions culturelles et relationnelles sont essentielles. La globalisation est une réalité, les différences culturelles en sont une autre. La culture est et reste donc une dimension stratégique dans les échanges internationaux.

Il est intéressant de savoir qu’une expérience réalisée aux Etats-Unis par Karl Weick – un expert en management des organisations – a éclairé la relation entre « culture » et « stratégie » et démontré l’interaction fusionnelle entre ces mots. Il a proposé à des lecteurs une série d’affirmations en leur demandant de choisir comme premier mot de la phrase entre « culture » et « stratégie », le constat fut que la permutation des deux mots n’altérait en rien le sens du texte.

Comment définir une exportation stratégique ?

Le plus simple est de prendre un exemple concret… Lorsqu’en 2007, Thales répondait à un appel d’offre en Algérie pour fournir des radars permettant d’assurer la surveillance aérienne du sud du pays, l’entreprise française semblait avoir toutes les chances de son côté puisqu’elle avait fourni les équipements qui donnaient entière satisfaction pour la couverture aérienne de la zone nord et, quoi que l’on dise, les opérateurs algériens préfèrent être formés en français que dans une autre langue…

Ce ne sont pas les 400 millions d’euros du contrat qui affecteraient sérieusement la santé financière de cette société aujourd’hui finalement plus européenne que française… Ce ne sont pas les 400 millions d’euros du contrat qui combleraient efficacement le déficit abyssal du commerce extérieur de la France (Environ 60 milliards d’euros)… La dimension stratégique n’est donc ni dans l’objet du contrat (des radars civils éprouvés), ni dans les montants engagés, en revanche si Thales ne remportait pas ce contrat la France perdrait 10, 15, 20 ans d’influence dans cette zone géographique. Et cette perte d’influence, difficilement quantifiable, n’est pas une simple perte, elle est double car elle se fait au profit d’un pays compétiteur ! Dans cette affaire, c’est donc l’influence qui donne la dimension stratégique du contrat.

Alors bien sur, le souci de l’influence de la France en Afrique du Nord, n’est pas l’apanage de l’entreprise Thales qui n’est pas une entreprise d’État, bien que l’État y ait encore quelques prérogatives. Mais à l’instar de l’influence, la dimension culturelle – qui prend forme dans cet exemple par la langue française qui est préférée à une autre pour la formation des équipes locales – sont des facteurs déterminants mais difficilement quantifiables…

C’est donc le rôle de l’état de prendre en considération cette dimension stratégique et de donner le signal politique approprié ; C’est là l’un des écueils français, car nos responsables politiques et les membres de l’exécutif ont le plus souvent les yeux rivés sur la prochaine échéance électorale. Dans notre modèle de démocratie occidentale, il y a désormais des élections majeures environ tous les trente mois, et l’influence française dans ce type de contrat n’est pas facteur de mobilisation, d’autant plus que nos élites administratives, nos énarques et nos polytechniciens ne sont pas formatés pour la prise en compte de ces facteurs peu préhensibles car non quantifiables. Les tenants des « sciences dures » sont hermétiques aux « sciences molles » celles qui concernent l’humain, or derrière chaque contrat, chaque loi, chaque organisation il y a l’Homme !

Quid de la dimension culturelle ?

Lorsqu’il ne reste que la dimension culturelle pour se différencier avantageusement de la concurrence, il convient de bien la connaître et l’appréhender.

En fait, dans mon propos, cette dimension est double :
1/ il y a d’abord l’idée que le pays client se fait de la France : le pays du siècle des lumières, celui des droits de l’homme, etc.
2/ il y a aussi l’état de la connaissance que le vendeur possède sur la culture du pays client…

Il convient alors d’être en mesure d’analyser la dimension culturelle et de savoir quel est l’impact de la culture dans le monde des affaires et en quoi la « sensibilité culturelle » constitue un facteur clé du succès de nos entreprises lors des exportations stratégiques.

La dimension culturelle influe sur la stratégie de conquête des marchés, sur l’adaptation de l’offre et de la communication aux spécificités locales, elle doit imprégner la négociation. Tous les éléments de la culture doivent être pris en compte pour garantir la performance : la langue, les valeurs culturelles, les rituels, les symboles, les croyances et le processus de pensée.

L’intercultularité est l’embrassement de cultures différentes, c’est un pont à deux voies mais aux débits qui n’ont pas forcément la même intensité. La connaissance de la culture de l’autre est une variable clef qui permet la compréhension de sa différence.

Quelle place donner à la culture dans les analyses stratégiques ?

La stratégie est conçue pour atteindre des objectifs. L’objectif premier de la stratégie est d’adapter l’entreprise à son environnement. L’analyse stratégique se nourrie de renseignement, il convient de rassembler les informations qui influencent directement l’objectif fixé et d’avoir la capacité d’analyser les facteurs non quantifiables. Le produit de l’analyse stratégique c’est le plan d’actions dont la mise en oeuvre doit permettre de construire l’avenir souhaité.

La complexité de l’environnement du commerce international du à la mondialisation de l’économie, nécessite de disposer des outils capables d’analyser les facteurs culturels qui font partie des facteurs non quantifiables mais dont la prise en compte est indispensable car déterminante.

L’entreprise peut alors éviter le piège d’une standardisation « a-culturelle » ou d’imposer ses standards comme référence unique dans l’élaboration de sa stratégie de développement international. Favoriser la culture d’origine de l’entreprise aux dépens de la culture des marchés locaux s’avère toujours funeste à terme. Pour illustrer cette réalité, il suffit de constater le processus de reflux rapide qui s’opère actuellement en Afrique avec la Chine. Quelles que soient leur habillage les logiques de prédation sont vouées, à terme, à l’échec.

L’entreprise doit donc intégrer les facteurs culturels à son processus d’analyse stratégique pour être en mesure d’agir avec succès, c’est à dire avoir la capacité de valoriser les effets de la confrontation entre les cultures nationales et organisationnelles. La connaissance et la prise en compte des spécificités locales sont une absolue nécessité pour assurer le développement et la pérennité de l’entreprise sur tout marché local culturellement très différents.

En guise d’exemple, prenons le cas de l’entreprise championne toutes catégories de la standardisation universelle de ses produits, de leur présentation, de leur distribution et de sa méthode verticale de management : IKEA. La stratégie de globalisation de ce groupe suédois reposait sur l’absence de prise en compte de toute différenciation locale tant au niveau culturel qu’organisationnel, ce modèle de développement à d’ailleurs contribué à l’image de la marque et à son développement. Néanmoins, la persistance des différences culturelles (notamment en termes d’habitudes de consommation) en Asie, aux Etats-Unis et dans les pays d’Europe Centrale et Orientale (pourtant géographiquement proches), a obligé le géant suédois à adapter son modèle.

Finalement, il en va du simple bon sens d’être au plus prés des réalités locales et d’accorder de l’importance aux cultures des pays étrangers dans lesquels une entreprise veut prospérer. Le principe de réalité force aujourd’hui à l’adoption d’une culture de proximité qui permet à la fois des économies d’échelle et la prise en compte de la culture locale, il s’agit d’organiser l’entreprise selon des marchés « régionaux » regroupant les pays selon leurs similarités culturelles et économiques.

Dimension culturelle et adaptation…

Seule la prise en compte de la dimension culturelle dans l’élaboration d’une stratégie commerciale à l’international permet d’en optimiser l’efficacité car l’offre est adaptée à la « grille de lecture » locale. L’adaptation est un processus qui doit débuter dès la conception des offres destinés aux marchés étrangers jusqu’à leur mise en oeuvre.

Prenons pour simple exemple un produit à la diffusion planétaire des plus emblématiques : le « Coca Cola ». Pour assurer son leadership au Japon, il a fallu adapter son marketing à la culture locale. En effet, les nippons associent culturellement le régime à la maladie, or un des produits phares de la marque américaine est la version édulcorée qui porte le nom « Diet Coke ». C’est donc pour être en adéquation avec le marché japonais que le produit a été rebaptisé « Coca Light », le produit étant promu pour « conserver la forme » mais surtout pas comme un produit de régime.

Autrement dit les offres doivent non seulement répondre aux critères spécifiques exprimés par les clients mais également être conformes à la culture locale. Dans cette perspective, les dirigeants de nos entreprises devraient, à tous les stades du processus commercial, se répéter les questions : « Est-ce que l’offre correspond aux exigences techniques du client ? Est-elle compatible à sa culture ? Sur quoi repose son acceptation et son adoption ? »

Une adaptation purement technique de l’offre ne suffit pas. Le choix d’un produit par un client est toujours fortement influencé par sa culture. La qualité, l’ergonomie, l’aspect, la couleur, la valeur perçue, le temps, toutes ces notions attachées à l’offre sont sous l’influence d’une interprétation et d’une appréciation culturelles. Une même offre va être perçu différemment d’une culture à une autre. L’absence de réponses appropriées est la raison de nombreux échecs commerciaux récents.

La langue, la sémantique… et la Médiation.

La globalisation peut engendrer la perte de ses propres repères culturels. Les négociations internationales sont des explorations interculturelles qui nécessitent de bien garder ses propres repères pour ne pas se fracasser contre la culture de l’autre devenu alors un mur invisible.

Le premier élément de la culture est toujours la langue. Ses subtilités, ses finesses sont de nature à faciliter ou à perturber les échanges selon le degré de compréhension des parties. Une simple expression traduite littéralement dans une autre langue peut devenir un contresens, perdre sa valeur ou sa signification. Une simple erreur de communication engendre parfois le refus d’une offre techniquement pertinente.

Mais bien en amont de la connaissance de la langue de l’autre, encore faut-il s’assurer de bien connaître la sienne… Notre monde globalisé est avant tout un monde communicant qui fait les riches heures des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) terrain de jeu préféré des néologismes et des glissements sémantiques. Pas une semaine, un jour, une heure ou une minute ne s’écoulent sans que les médias dans leur globalité ne modifient le sens d’un mot, ou se fassent les promoteurs d’un nouveau souvent abscons…

La Médiation est une discipline qui participe à l’optimisation des relations internationales, Madame Michèle Guillaume-Hofnung, experte internationalement reconnue en la matière est très attachée au bon usage des langues et des mots ; Elle rappelle à loisir que « Mal nommer, c’est se condamner à mal faire ». Trop encore méconnue et au coeur du dialogue interculturel, la Médiation est un processus de résolution de problèmes ou de conflits basé sur une compréhension des individus et des groupes qui ont des origines et un patrimoine ethnique, culturel, religieux et linguistique différents. Cette discipline impartiale a une essence éthique, qui garantie le respect des intérêts et des particularités des parties opposées de façon à ce qu’elles puissent vivre ensemble dans une égale dignité. Le respect et la compréhension mutuels des différences de chacun sont effectivement les conditions essentielles d’un dialogue interculturel productif.

Dimensions culturelles et négociations internationales

La prise en compte de la dimension culturelle dans les négociations internationales est incontournable. La culture est un cadre de compréhension. Les comportements et les valeurs d’un peuple sont définis par la culture ; Comme ils apparaissent immanquablement dans toute négociation internationale, il est indispensable d’avoir la capacité de les décrypter. Cette compréhension des codes culturels et des usages qui régissent la vie quotidienne d’un pays est un facteur clef pour garantir le succès de la négociation.

Plus les systèmes de références sont différents et plus il faut y apporter d’attention et prendre le temps de les comprendre. Dans chaque pays la culture cimente la cohésion, alors que les cultures professionnelles ou d’entreprises fragmentent et divisent ; A l’inverse, dans le cadre des négociations internationales ces cultures professionnelles rapprochent. Toute négociation internationale implique de définir un terrain d’entente mutuellement acceptable pour définir l’accord satisfaisant pour les parties ; selon les cultures ce qui est gratifiant chez l’un peut être offensant chez l’autre.

Face à une même situation, deux parties aux cultures distinctes réagiront différemment ; Cette différence peut se manifester dans le cadrage de la situation, dans l’identification des causes d’un problème et dans l’imagination de solutions. Pour parvenir à un accord, il faut savoir interpréter les signaux perçus, y compris les plus faibles en apparence. C’est la culture qui conditionne la manière de procéder, elle légitime ou invalide certaines situations. Le cadre juridique des négociations internationales est aussi culturel. Les notions de droit sont directement influencées par la culture, le choix du cadre juridique des négociations est aussi un enjeu majeur.

Proscrire les rapports de force purement cartésiens : le mal français ?

L’écueil serait qu’un négociateur ait le sentiment d’appartenance à une culture dominante et soit ainsi en condition d’insensibilité culturelle. L’absence d’une étude de l’impact de la culture sur la négociation additionnée au sentiment de supériorité de sa propre culture rapproche le négociateur de l’échec. Lors des négociations, la bonne perception des valeurs culturelles et de l’éthique sous-jacentes est autant indispensable que la connaissance et le savoir-faire techniques.

Nos élites françaises impliquées dans les processus de négociations internationales stratégiques sont en grande majorité issues des mêmes grandes écoles dont les diplômes récompensent un savoir appris par coeur ; Encore aujourd’hui, peu de place est faite à l’expérimentation, c’est à dire à la confrontation de théorèmes, de méthodes et de principes à la réalité de la vie. Bien avant d’être un contenu, la culture est une manière d’être et de penser, elle détermine notre comportement et notre capacité de réaction par rapport aux événements de la vie.

En France, le grand export, en général, et les exportations stratégiques, en particulier, sont surtout l’apanage des géants industriels nationaux qui sont dirigé par des énarques et des polytechniciens – quand ils ne sont pas les deux à la fois – qui structurellement, intrinsèquement, ont le mépris (au sens étymologique) de la fonction commerciale. Par éducation et par formation le commerce leur est, au mieux, étranger, au pire sans noblesse, voire sale !

Or le commerce est le fondement de la relation humaine et l’on touche là un des noeuds du mal français : les tenants des « sciences dures » sont imperméables aux « sciences molles » (à ce qui tient de l’humain) alors que leur utilité propre n’est rien sans la prise en compte de l’autre. Cette « élite » qui peuple les états-majors de nos principales entreprises liées aux exportations stratégiques, peine toujours à prendre en compte les éléments non quantifiables.

Les négociations internationales stratégiques sont complexes et difficiles, la concurrence est active, rapide et souvent puissante ; si les offres doivent être précises sur le contenu et conformes aux besoins exprimés par l’acquéreur, bien préparées économiquement et juridiquement, une approche relationnelle adaptée est indispensable à un commerce fructueux et durable. Dans toute négociation, la culture est également portée par les acteurs eux-mêmes, son influence sur l’action s’avère portant peu perceptible ce qui ne réduit pas pour autant son importance. La culture est souvent le facteur clef des échiquiers invisibles.

Rituel, appréhension du temps, gastronomie et humour…

Les négociations internationales rassemblent les acteurs autour de la même table, du même tapis ou sous la même tente mais dans leur diversité. Il s’agit alors nullement de participer à une confrontation des cultures mais de créer les conditions d’un mariage avec efficacité. Dans certaines cultures le rituel et sa symbolique occupe une place prépondérante. Alors que les Occidentaux ont tendance à considérer le rituel comme inutile et vide de sens, en Chine, par exemple, il conditionne la qualité de la relation. Son respect et sa bonne exécution distinguent le civilisé du barbare.

En Asie, la conception du temps est un facteur clef du processus de négociation. Considéré comme une ressource rare pour l’occidental (« Dépêchez-vous, le compteur tourne ! »), le temps est, en Chine ou en Inde, une ressource quasi inépuisable. La pression du temps n’y est pas une variable d’ajustement dans la négociation. Ne dit-on pas qu’en Inde, lorsque quelqu’un arrive avec de la patience, il finit par la perdre et lorsqu’il n’en a pas, il apprend à en avoir ? En Chine, tout impatient se voit rétorquer que le pays ayant vécu 5000 ans sans lui, il peut attendre quelques années de plus…

La cuisine est également un foyer culturel ! Les valeurs que la gastronomie véhicule participent également à la diversité culturelle, elle est le reflet de l’art de vivre local, elle se singularise par ses codes, ses subtilités parfois son éthique ou son rôle social. On me demande souvent la recette de ma capacité d’intégration rapide dans un pays qui m’était jusque là inconnu, ma réponse est immuable : « Je commence toujours par manger et boire comme mes hôtes, cela renforce considérablement ma compréhension de l’autre, mon empathie… ».

Par ailleurs,la gastronomie française a toujours été un facteur-clé de notre diplomatie, on peut la considérer chez nous comme un véritable vecteur d’influence qui contribue à notre rayonnement international. Le plaisir de la bonne chère est un élément incontournable des négociations internationales qui se déroulent sur notre sol ; dans les palais de la République, nos ambassades, au sein de certaines entreprises jusqu’aux tables étoilées c’est le lieu où l’on honore nos visiteurs qu’ils soient chefs d’États, diplomates, industriels ou négociateurs. La gastronomie française à la particularité unique de participer directement à l’amélioration de notre balance commerciale et d’être un capital immatériel non-quantifiable mais incontestable.

Propre de l’homme l’humour peut être un raccourci facilitateur dans la négociation et contribuer utilement à la qualité de la relation. Mais à chaque culture son humour, il convient donc qu’il soit adapté, maîtrisé et à propos, au risque d’obtenir un effet inverse et souvent persistant.

Quid du monde unipolaire souhaité par les Etats-Unis ?

La chute du mur de Berlin symboliserait aujourd’hui la victoire des Etats-Unis sur l’Urss, la victoire du monde libre sur la dictature prolétarienne… Or le constat dénué de toute idéologie montre que l’Urss, devenue exsangue dans la poursuite d’une course sans freins à l’armement et arrivée au bout d’un processus politique finalement très éloigné de ses fondamentaux, a logiquement et simplement implosé.

Considérons que si les Etats-Unis ont gagné la Guerre Froide, de facto, ils ont perdu la paix, car partout où ils interviennent depuis 1990 au nom de la démocratie, ils sont porteurs de guerres, de troubles et finalement de chaos ! Rien d’hostile dans mes mots, il s’agit pour moi d’être factuel car nulle analyse qui se voudrait pertinente ne peu se départir de l’étude de la réalité. Paradoxalement, alors qu’ils s’imposent partout par la force, toujours en 1990, les USA découvrent les vertus de l’influence et de la séduction en théorisant un nouveau concept : le « soft power »…

Dans leur nouvelle doctrine, « hard power » et « soft power » ne s’opposent pas, mais se complètent. C’est une nouvelle forme de domination, exploitant au mieux les NTIC, qui ajoute la manipulation des esprits à celle des armes. Ce « soft power » perd alors toute efficacité car il s’apparente à de la propagande et est perçu comme tel.

La puissance de persuasion n’est pas culturelle lorsqu’elle s’inscrit dans une stratégie de domination, l’addition américaine du « soft power » et du « hard power » n’est surement pas le « smart power » qu’ils prétendent, puisque le tout concoure à la création des zones d’anarchie.

La culture est une valeur, bien avant d’être un produit ou une marchandise, pourtant aux Etats-Unis sa marchandisation excessive y est une réalité qui génère un culture « discount », une culture « fast-food », une culture qui se prétend « universelle ». On est bien loin de cette puissance diffuse et non palpable « légitime » qu’est une politique d’influence vertueuse, c’est à dire, qui se fait dans le respect de l’autre. Cette « puissance douce » qui tient de la capacité d’attraction « naturelle » exercée par un modèle culturel « authentique », suscite l’empathie et concoure à l’attractivité de sa culture et de ses idées !

La « puissance de feu » américaine est néanmoins une réalité qui permet aux Etats-Unis d’agir seuls, en fonction de leurs intérêts à court terme, sans prendre en compte les avis, besoins et demandes des autres pays… au risque de perdre crédibilité et légitimité. L’intensité de cette puissance sert une stratégie à courte vue qui ne prévoie pas le coup d’après, elle les engage dans une course dispendieuse qui pourrait à terme produire les mêmes effets qui ont précipité l’implosion de l’Urss.

En effet, comment un pays, aussi puissant soit-il, peut-il dépenser sans discontinuer et toujours plus, pour son budget de « défense » et d’intervention (près de deux milliards de dollars par jour), allant jusqu’à produire des équipements militaires lourds qui coutent parfois plus chers que leur poids en or (le bombardier furtif B2 vaut même 2 à 3 fois sa masse en or) sans qu’un jour prochain, il ne soit lui-même victime de l’explosion de sa « bulle » militaro industrielle ?

Notre planète est un espace fini dont l’eco-système économique est fragile, il en va de veiller aux grands équilibres… Or la globalisation est aussi la monté en puissance de grands pays à fort taux de développement communément appelé les BRIC dont les stratégies sont en résistance face au géant « yankee ». La débauche de moyens américaine, ne perturbe en rien la marche lente de leur expansion. Aujourd’hui plus que jamais ils peuvent faire leur l’adage africain : « Vous avez la montre… Nous : nous avons le temps ! ».

John Fitzgerald Kennedy ne disait-il pas qu’une erreur ne devient une faute que si l’on refuse de la corriger ?

Cycles politiques, cycles économiques et conséquences stratégiques…

Le cycle politique de notre démocratie est de plus en plus court, depuis l’abandon du septennat, il y a désormais des élections majeures presque tous les deux ans (municipales, régionales, législatives, présidentielles) or nos dirigeants – affairés à leurs tactiques électorales, les yeux rivés sur la prochaine échéance – négligent la stratégie d’État qui nécessite d’avoir une vision à 20 ans et d’inscrire l’action en conséquence. Cette gouvernance au gré des sondages d’opinion a des conséquences directes sur les exportations stratégiques, car le cycle de la recherche, de l’industrialisation et de la commercialisation est un cycle long.

Comme les résultats d’aujourd’hui sont le fruit de nos efforts de recherche consentis il y a vingt ans, les échecs à l’exportation ont des incidences stratégiques en terme de diminution de capacité de recherche, de désindustrialisation mais surtout de perte d’influence… Car les conséquences économiques ont des répercutions sociales et sociétales, qui ne nous permettrons pas d’être considérés, par nos clients comme des exemples à suivre comme nous le prétendons. Alors que nos concurrents, parfois intrinsèquement moins performants, captent nos marchés « naturels »…

Dans le secteur de la Défense, en 1994, le Livre Blanc préconisait déjà que les exportateurs devaient recevoir un soutien gouvernemental et politique du niveau de celui dont jouissaient nos concurrents. Vingt ans plus tard, il y a toujours les mêmes verrous à faire sauter, des archaismes à abandonner et des réformes à accepter, alors qu’il existe des recettes simples à mettre en oeuvre pour concilier nos idéaux avec les réalités du monde économique. Depuis « les faits sont têtus » : dans une grande majorité, les uns après les autres, les marchés stratégiques, notamment ceux sur lesquels on communique le plus, échappent à nos industriels…

La nostalgie de la troisième voie gaullienne…

Dans le cadre de négociations internationales stratégiques, la capacité d’influence d’un pays est inéluctablement conditionnée par le comportement de ses dirigeants et de ses représentants. En France, il faut remonter au Général de Gaulle pour retrouver les conditions idoines à l’accroissement de son influence dans le monde.

L’homme d’État, qui payait lui-même la facture de sa consommation d’électricité à l’Elysée, incarnait l’antithèse du prévaricateur ; le politique, qui avait une ambition prospective pour son pays, inscrivait son action pragmatique au service d’une stratégie qui allait bien au delà de son propre temps politique. Charles de Gaulle affirmait que le progrès était la seule condition de notre indépendance.

Après guerre, l’épopée scientifique et industrielle de la France a pour origine la vision stratégique du Général de Gaulle qui avait la prescience de la prospective. L’ambition politique et stratégique portée par le Général de Gaulle s’est traduite par la création des outils pouvant initier la recherche, assurer le pilotage industriel et promouvoir l’excellence française à l’international. Rapidement la France s’est dotée d’une autonomie dans de nombreux secteurs clefs : défense, énergie, métallurgie, agriculture, transports (terre, mer, air), spatial, etc. Dans tous les domaines, l’impulsion politique du Général et son soutien actif se font sentir.

L’indépendance de la France était alors défendue dans les domaines politiques, économiques, culturels, diplomatiques et militaires ; Elle passait par :

1/ le refus de la vassalisation à des organismes supranationaux (ONU, Communauté européenne d’intégration et de subordination, OTAN), à des superpuissances (États-Unis, Urss) ou aux puissances économiques et financières.

2/ le respect des nations, « entités culturelles façonnées par l’histoire et rempart des peuples contre les impérialismes ».

3/ le refus du libéralisme économique classique au profit d’une économie orientée par l’État en vue d’un développement volontariste (le plan, l’aménagement du territoire, les grands projets publics, etc.).

Le refus gaullien des carcans idéologiques c’est à dire de la « lutte des classes » – qu’elle soit d’inspiration socialiste révolutionnaire ou capitaliste libérale – se fait au profit d’une « troisième voie » sociale qui permet. d’aboutir à la fois à la justice et à l’efficacité pour assurer l’indépendance et rayonnement de la France dans le monde.

Lorsque la France intègrera l’ONU c’est avec la volonté d’y faire entendre une voix non-conformiste, d’en modifier les structures et le fonctionnement pour contrer l’hégémonie des deux superpuissances. La conception française des relations internationales voulue par De Gaulle (décolonisation, indépendance nationale, aide économique), la voix non-conformiste et médiatrice de la France lui a valu le respect de très nombreux pays non-alignés.

La politique étrangère que mène alors de Gaulle, qui souhaite garder les yeux ouverts et les mains libres, ne vise ni à satisfaire l’intérêt d’un parti politique, ni celui d’une idéologie, mais celui de la France et des Français.

Considérée comme « détachée » des superpuissances antagonistes, la France est devenue le fournisseur privilégié de nombreux pays non-alignés qui se sont dotés de ses technologies et équipements de Défense. Tissées dans la confiance et la continuité, de fortes relations commerciales se sont nouées, leurs répercussions ne furent pas uniquement économiques et sociales, elles ont également eu une dimension stratégique en contribuant au rayonnement politique et culturel de la France.

Leopold Sendar Senghor le visionnaire…

« On connait une nation aux hommes qu’elle produit, mais aussi à ceux dont elle se souvient et qu’elle honore. » disait John Fitzgerald Kennedy. Comment ne pas évoquer ici la pensée de Léopold Sédar Senghor, Poète chantre de la négritude, premier Africain membre de l’Académie française mais aussi premier Président du Sénégal indépendant ; Indépendance qu’il obtint, en 1960 « sans verser une goutte de sang, sans verser une larme », de la part de la France dirigée par le Général De Gaulle ? Sa réflexion sur l’essence de « l’africanité » lui ayant permis d’engager une décolonisation culturelle et économique sans violence.

Agrégé de grammaire en 1935, député français, membre de la commission chargée d’élaborer la constitution de la Cinquième République, Léopold Sédar Senghor – qui considère le Français comme langue de culture – est l’un des pères fondateurs de la Francophonie qu’il défini comme : « un humanisme intégral qui se tisse autour de la terre » et la théorise comme « universelle mais respectueuse des identités ».

Comme tous les personnages hors normes, il sera aussi porteur de contradiction : alors même qu’il affirme et revendique sa différence : « la Négritude est l’ensemble des valeurs culturelles du monde noir, telles qu’elles s’expriment dans la vie, les institutions et les oeuvres des Noirs. Je dis que c’est là une réalité : un noeud de réalités », il fait un rêve ambiguë d’un métissage culturel mondial pour la création d’une civilisation universelle… Cela est pour le moins étrange, car dans son exercice du pouvoir, il rejetait tout ce qui était contraire à la tradition africaine d’unanimité et de conciliation.

Homme de culture, homme politique, homme d’État, il restera un géant de l’Histoire !

Construire l’avenir, ne pas subir…

La grande erreur du début du XXIème siècle est d’avoir considéré que la globalisation engendrerait une grande fusion culturelle et que l’avènement des NTIC, qui raccourcissent la perception des distances, gommerait d’un trait les frontières… Or un monde globalisé exacerbe plus que jamais l’absolue nécessité pour les peuples d’avoir des repères et la culture est l’ultime rempart de leur identité. Toute politique de standardisation planétaire, en la matière, s’avère funeste.

Puisque nos productions d’aujourd’hui résultent de nos efforts de recherche consentis il y a dix ou vingt ans, tout retard de commercialisation augmente l’obsolescence de notre offre à l’exportation et permet à nos concurrents, parfois techniquement moins performants, de capter nos marchés « naturels ou stratégiques ». Au-delà d’un simple constat d’échec, il est nécessaire de faire un travail introspectif pour réformer notre approche des marchés extérieurs et l’attitude des acteurs liés aux exportations stratégiques.

Les analyses qui ne prennent en compte que les paramètres quantifiables sont inadaptées et mortifères, car les enjeux ne se calculent pas seulement en millions d’euros, mais en capacité de maintient du tissu industriel sur nos territoires et de sauvegarde de notre modèle social. Les succès à l’exportation sont donc les garants de nos emplois et de notre capacité de recherche.

Le facteur culturel occupe donc une place prépondérante dans le développement international. La concurrence n’a jamais été aussi dense, intense et planétaire. Facteur clé du succès, la prise en compte de la dimension culturelle dans le commerce international est ainsi une absolue nécessité pour le rétablissement des performances françaises à l’exportation.

Nos élites, si elles tiennent à le rester, ne peuvent ignorer ce constat. Il ne s’agit pas de redoubler d’effort pour faire toujours la même chose, ni de courber le dos, car seule une attitude proactive nous permettra de transformer la leçon des échecs en avantage stratégique. Il ne s’agit plus de débattre mais de court-circuiter les résistances organisationnelles, d’arrêter l’érosion de notre compétitivité et laisser s’exprimer l’imagination des solutions appropriées au développement de nouvelles parts de marché.

La culture du résultat est un concept creux sans prise en compte de la culture. « Ce ne sont pas les affaires qui manquent, mais les hommes pour les faire », il faut encourager les dirigeants de notre industrie française à avoir de l’audace créative, qu’ils cessent donc d’être des gestionnaires timorés pour devenirs des entrepreneurs efficaces.

Le rôle des associations, des binationaux et l’évergétisme…

La France ne manque pas d’organismes de soutien aux exportations, tout ou presque a été inventé, tenté, testé… Pour améliorer nos performance à l’export, notamment pour les contrats stratégiques, il ne s’agit donc pas de créer un nouveau « machin » comme aurait dit De Gaulle, mais de modifier notre approche intellectuelle et d’assurer une meilleure coordination entre les acteurs franco-français.

A la marge des négociations internationales, les associations telles que le Cercle Richelieu Senghor ou l’Association France Moyen Orient de la Légion d’Honneur – dont je suis le modesteTrésorier – participent au rayonnement culturel français et sont des outils d’influence légitimes. Ils contribuent à une meilleure connaissance de l’autre et à une bonne appréhension des réalités culturelles étrangères.

Leur action éthique servie par des acteurs – le plus souvent bénévoles – qui ne ménagent ni leur temps, ni leur peine devrait être mieux connue des acteurs économiques et institutionnels.

Il existe surtout une organisation créée en 1898 pour renforcer la présence économique française dans le monde : les Conseillers du Commerce extérieur de la France qui sont nommés à titre individuel sur leur aptitude et compétences. Ces hommes de terrain revendiquent la production « d’analyses, parfois à contrecourant des idées du moment, mais toujours basées sur une observation pragmatique des réalités. »

Bénévolement, depuis plus d’un siècle :

– ils transmettent leur expertise aux entreprises qu’ils parrainent et accompagnent dans leur
développement à l’international,

– ils sensibilisent les étudiants aux métiers de l’international et encouragent le Volontariat International
en Entreprise,

– ils conseillent les pouvoirs publics sur les « dossiers sensibles » du commerce extérieur.

Alors que je n’y suis aujourd’hui lié d’aucune sorte, si je mets cette association en lumière, c’est que les « Conseillers du Commerce extérieur de la France » constituent un lien essentiel pour la prise en compte de la dimension culturelle. Aussi curieux que cela puisse paraître, cette capacité n’est pas valorisée et cet organisme n’en fait jamais mention. Leur mode de fonctionnement : le bénévolat associé au bienfait public s’inscrit directement dans une démarche d’évergésie.

L’évergétisme c’est « réaliser le bienfait public à partir de libéralités privées ». L’encouragement de ce type de démarche personnelle permettrait, par exemple, de promouvoir la capacité de certains binationaux à établir ces ponts culturels à double voie qui permettent une meilleure compréhension de façon durable. Ce serait là pour les binationaux un moyen facilitateur d’intégration et feraient d’eux, à l’étranger, d’efficaces ambassadeurs de la France.

Car finalement la prise en compte de la dimension culturelle est moins une question d’outils que de comportement individuel. C’est bien la transmission d’un savoir appris sur le terrain qui permettra finalement de différencier les usages et d’évaluer avec justesse l’influence de la position hiérarchique, du statut, de l’âge, etc. dans tel ou tel pays ; Et de pas oublier, aussi futile que cela puisse paraître, par exemple : qu’en Chine ou au Japon, c’est l’acheteur qui a la prééminence. Qu’en Afrique, le plus âgé aura le dernier mot de la discussion. Que le « oui » d’un japonais, ou d’un arabe, formalise plus la compréhension du sujet débattu que son acceptation, etc.

Assurément tout pourrait être anecdotique si tout n’était intimement lié à l’humain or trop souvent on oublie que derrière les usages, les lois, les entreprises, les contrats il y a des Hommes, rien que des Hommes empreints de leur propre culture qui les détermine.

Que faut-il en conclure ?

Aux antipodes d’une vision réductrice et exclusivement défensive de type protectionniste, les attendus de cet exposé résident dans le passage du mode passif au mode actif. Il ne s’agit pas de construire un pont culturel orienté vers le passé mais de le construire vers l’avenir, avec une approche décomplexée en optimisant l’intelligence collective pour la mise en oeuvre de moyens efficaces compatibles avec nos engagements internationaux.

Il n’y a pas de stratégie efficace sans organisation de l’action. Bien se préparer est une question de survie pour les entreprises au rayonnement international. En donnant la priorité à l’action réfléchie, les perspectives économiques rejoignent forcément les perspectives politiques de développement avec des répercussions humaines, sociales et culturelles positives.

A l’heure de la désaffection des français pour les hommes politiques contemporains, il est utile de citer De Gaulle déclarant lors de son discours à Dakar en 1958 : « Nous sommes à l’époque de l’efficacité, c’est-à dire à l’époque des ensembles organisés. Nous ne sommes pas à l’époque des démagogues. Qu’ils s’en aillent, les démagogues, d’où ils viennent, où on les attend. ». La mise en oeuvre d’une stratégie d’internationalisation requiert des ressources qualifiées et compétentes pour accomplir des missions internationales. L’esprit gaullien c’est « conscience et intelligence, prospective et stratégie, jugement et désintéressement, équité et sagacité, pragmatisme et action ».

Je précise que je suis trop jeune pour être gaulliste, que ma référence à cet homme d’État, tient d’abord qu’il en fut un, ensuite du constat que tout ce qui fait nos succès français d’aujourd’hui, en matière de technologie, a été initié par sa volonté d’indépendance stratégique, mais aussi que sa connaissance de l’histoire de notr
pays et son imprégnation de sa culture lui a permis d’engager avec succès une décolonisation rapide respectueuse des aspirations et des réalités de l’autre… ce qui fit de la France la troisième voix audible d’un monde « bipolaire » et la « troisième voie », l’issue, la solution des pays non-alignés!

Pour être cohérente toute analyse doit, certes, être factuelle et dépourvue de toute idéologie, mais avant même d’apporter toute réponse, il s’agit de poser les bonnes questions : Que reste-t-il aujourd’hui de cette volonté stratégique d’indépendance ? À l’heure de la mondialisation, que reste-t-il de cet esprit visionnaire et pragmatique ? Que reste-t-il de nos pôles d’excellence et pourrons-nous les conserver ? Comment recouvrer l’aura du « génie français » ?

Puisque ce dîner débat est sous l’égide du Cercle Richelieu Senghor, citons encore De Gaulle lors de son discours à St Louis du Sénégal en 1959, ce qu’il dit entre en résonance avec tout ce qui précède : « Pendant ces trois siècles, la France et le Sénégal qui vivaient côte à côte se sont interpénétrés. Aujourd’hui encore, ce rapprochement est saisissant. II y a là un capital de compréhension, d’estime, d’affection réciproques dont nous avons tous hérité et que nous serions bien fous ou bien coupables de renier aujourd’hui, au milieu d’un monde où se dressent tant d’hostilités, de fureurs et de haines. Nous croyons que ce sont les nations, chacune avec son âme et son corps bien à elle, qui constituent, en fin de compte, les éléments irréductibles et les ressorts indispensables de la vie universelle. ».

Comme le disait si bien le Cardinal de Richelieu : « La politique a pour vocation première de rendre possible ce qui est nécessaire ». Aujourd’hui, comme hier, la dimension culturelle française est le pivot de nos exportations stratégiques. La valorisation de la culture française mais également la prise en compte des réalités culturelles étrangères sont des facteurs clefs de nos succès futurs.

Je vous remercie.

Marc German

 


 

Monsieur Marc GERMAN
Monsieur Marc GERMAN

Animateur de réseaux internationaux dans le cadre de partenariats industriels, spécialiste du risque pénal et des résolutions de crises, Marc German a fondé en 2008, un groupe de réflexion stratégique «Reflextrat» dédié notamment à la réussite et au rayonnement des entreprises françaises sur les marchés émergents. Ce « think tank » a développé des outils innovants et performants dans le prolongement des travaux de l’École Française de Prospective du CNAM internationalement reconnue pour sa capacité à décrypter la complexité pour mieux façonner l’avenir… Pour assurer une diffusion large de ces travaux d’intérêt général, il a créé le « Fonds pour l’Analyse Stratégique et Tactique » qu’il préside.

Depuis 30 ans, pionnier de l’intelligence compétitive, Marc German a mené des missions en France et à l’Étranger avec une constante obligation de résultats. Au cours de cette carrière internationale, il a également participé à la création, au lancement et au développement de sociétés à succès dans des secteurs variés (Aéronautique, Défense, Énergie, Internet…). Après avoir été conseiller de sociétés françaises dans le cadre des opportunités consécutives à la chute du Mur de Berlin, il a initié de nombreux partenariats industriels et commerciaux, en assurant la coordination entre les acteurs institutionnels, les entreprises et les personnalités scientifiques, politiques et médiatiques.

Précurseur de la Diplomatie d’Entreprise, créatif reconnu comme un fournisseur de solutions, il intervient à toutes les étapes clefs des marchés en fonction des besoins spécifiques exprimés par ses commanditaires gouvernementaux ou privés (partenariats contre-intuitifs, financement innovants, conduite d’opérations complexes, offsets, solutions asymétriques…) en oeuvrant à l’éradication des mauvaises pratiques aux seins des entreprises et des institutions. Auditeur de la Chaire de Criminologie au CNAM, il milite pour l’ajout de la notion de « crime économique » dans le code pénal couvrant un champ plus étendu que l’Article 432-10 qui inclurait également la défense des petits actionnaires…

Depuis 2010, Marc GERMAN est Trésorier de l’Association France Moyen-Orient de la Légion d’Honneur.

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