Son Excellence M. Muhamedin KULLASHI / Le Kosovo et la culture francophone

Son Excellence Monsieur Muhamedin KULLASHI, Ambassadeur de la République du Kosovo

LA PRESENCE DE LA LANGUE ET DE LA CULTURE FRANCAISES AU KOSOVO A TRAVERS L’HISTOIRE

L’influence considérable de la langue, des lettres et de la culture française s’est exercée au Kosovo, dans la période moderne et contemporaine, à travers le travail des élites intellectuelles et politiques albanaises, par leurs ouvrages littéraires et politiques, ainsi que par la traduction des œuvres des auteurs français. Au nombre des écrivains, poètes et intellectuels qui ont eu une influence très importante dans la diffusion de la culture française parmi des générations d’élèves et étudiants du Kosovo, à partir du XIX° siècle, notamment, on pourrait citer Andon Zako Cajupi(1866 – 1930), Sami Frasheri ( 1850-1904), Pashko Vasa Shkodrani (1825-1892), Theofan Stilian Noli, 1882 – 1965, Faik Konitza (1876-1942),etc.

L’activité littéraire et politique de ces écrivains et intellectuels se déroule pour une part, dans la période précédant l’effondrement de l’Empire ottoman, et avant la création des nouveaux Etats qui en seront issus, au début du XX° siècle, notamment, après la Première Guerre mondiale. Cette période est désignée également comme la période de la renaissance (Rilindja). Ce n’est pas par hasard mais plutôt en tant qu’ expression de l’influence politique et culturelle des idées de cette période, que le premier quotidien en langue albanaise au Kosovo, après la Seconde Guerre mondiale, s’intitula Rilindja.

Andon Cajupi a eu une formation francophone au lycée français du Caire () ?, et ensuite il a fait des études en droit en Suisse, ou il obtint le titre du docteur en droit. Dans ses textes littéraires (poésies, pièces de théâtre), il cultive un esprit moderniste et dans ses textes politiques il fait référence aux idées des Lumières et de la Révolution française, comme source d’inspiration pour les peuples des Balkans qui visent la création des nouveaux Etats, émancipés de l’Empire Ottoman. Cajupi soutien l’idée d’un Etat moderne et républicain. En 1921 il traduit en albanais les Fables de la Fontaine, en les interprétant, dans la préface, comme critique des mœurs de la société albanaise. Il traduit également en 1922 des poésies des poètes indiens (« Lulet e Hindit »). Il a travaillé aussi sur les questions de la langue moderne albanaise et la question de l’alphabet moderne. Durant la période de l’Empire ottoman, en effet, la langue albanaise était écrite en alphabet latin, mais également en alphabet arabe. De même, les lettres albanaises de cette période s’expriment dans l’un ou l’autre alphabet, témoignant de l’enchevêtrement des influences occidentales et orientales dans la culture des Albanais, au cours cette période de leur histoire.

Sami Frashëri, écrivain albanais, philosophe, dramaturge et linguiste, fut une grande figure du mouvement de la Renaissance des Albanais, de concert avec ses deux frères Naim et Abdyl. Il fit ses études au lycée de langue grecque Zosimea, à Ioannina. Il y est entré en contact avec la philosophie occidentale et a étudié le grec, le français et l’italien. Avec l’aide d’un professeur privé, il a également appris l’arabe, le turc et le persan.

Dans ses œuvres politiques il élabore la conception d’un Etat moderne républicain, mais également montre la pertinence des idées des Lumières françaises. Avec son frère aîné Abdyl, Hasan Tahsini, Pashko Vasa et Jani Vreto, il a fondé le Comité central pour la protection des droits nationaux des Albanais. En 1879, ce comité réunit une commission pour formaliser un alphabet albanais. Aussi, la Société pour la publication d’écrits en albanais a-t-elle été fondée et dirigée par Sami Frashëri, compilant et publiant avec son frère Naïm des livres scolaires et des textes en albanais.

Avec Vaso Pasha, il a fortement contribué à l’idée de la séparation de l’Etat et de l’Eglise, de la politique et de la religion. Comme les Albanais dans les Balkans se rattachent à trois religions (musulmane, catholique et orthodoxe), les écrivains et les intellectuels du mouvement de la renaissance, diffusent les idées de la tolérance religieuse, comme condition de l’unité politique de la nation. Cette orientation de la période de la Renaissance s’est propagée également au XX siècle et jusqu’à nos jours: selon le constat de nombreux historiens européens (dont l’historien britannique Noël Malcolm), la tolérance intereligieuse était accompagné de la primauté d’une conception républicaine de l’Etat, chez les Albanais des Balkans. Les prêtres catholiques étaient, dans la période de la modernité (XVI°-XVIII° siècles), les fondateurs des lettres albanaises, mais la coexistence des lettres albanaises en alphabet latin et en alphabet arabe, introduit par l’Empire ottoman, s’est avérée une expérience culturelle fructueuse.

Pashko Vasa Shkodrani, dit « Vaso Pacha », Albanais catholique de Shkodër, exerce diverses fonctions officielles au sein de l’Empire ottoman, il est notamment gouverneur de la province autonome du Mont-Liban de 1883 à 1892.

De 1843 à 1847, il travaille pour le consulat britannique à Shkodër (ville du nord de l’actuelle Albanie) il apprend ou parfait son apprentissage de l’italien, du français, du turc et du grec. En 1847-1849 il séjourne en Italie, où il participe aux insurrections révolutionnaires anti-autrichiennes à Venise en mai 1849. Il est ensuite expulsé, en tant que sujet ottoman,vers Constantinople, où il vit d’abord dans la pauvreté avant de s’engager dans la fonction publique, à l’ambassade ottomane de Londres, puis dans une mission ottomane en Bosnie-Herzégovine (1863-1864), à Alep (Syrie actuelle) en 1867,Varna (Bulgarie actuelle) en 1879, à Beyrouth (Liban actuel) en 1883.

En 1877, il fait partie des fondateurs du « Comité central pour la défense des droits du peuple albanais », et en 1878 de la Ligue de Prizren (Prizren, ville du Kosovo, un des foyers du mouvement national albanais), prônant l’unité nationale albanaise au-delà des différences religieuses.

Il a publié en français notamment, Bosnie et Hercegovine pendant la mission de Djevdet Effendi, Constantinople 1865 ; Esquisse historique sur le Monténégro d’après les traditions de l’Albanie, Constantinople, 1872 ; L’alphabet latin appliqué à la langue albanaise, Constantinopole 1878 ; La vérité sur l’Albanie et les Albanais, Paris 1879 ; Grammaire albanaise à l’usage de ceux qui désirent apprendre cette langue sans l’aide d’un maître, Londres 1887 et le roman Bardha de Témal, scènes de la vie albanaise, Paris 1890 (publié sous le pseudonyme Albanus Albano). Dans ses écrits littéraires, il se réclame de l’influence de Lamartine et de Musset. Dans ses textes politiques il témoigne autant de vastes connaissances sur les peuples des Balkans et de leurs cultures que des conceptions progressistes politiques concernant l’Etat moderne et notamment la nécessité de la séparation de l’Etat et des Eglises, ainsi que de la politique et de la religion.

Fan Noli, écrivain, traducteur des tragédies de Shakespeare mais aussi de poésies du poète persan Omar Khayam en albanais, homme politique progressiste, et également fondateur de l’Eglise orthodoxe albanaise, il réunit en lui le talent littéraire et artistique, et l’engagement pour un Etat moderne républicain. Et aussi de vastes connaissance des cultures occidentale et orientale, lisant et écrivant en français, anglais, italien, arabe et persan. Dans son ouvrage Beethoven et la Révolution française (1947) il restitue la portée des idées de la Révolution française. En tant qu’intellectuel et homme politique il prônait la tolérance interreligieuse et politique. Ses œuvres ont influencé fortement des générations d’élèves, d’ étudiants et les élites intellectuels et politiques du Kosovo.

Une autre grande figure de la littérature et de la pensée politique, qui a exercé une large influence parmi les élites intellectuelles des Albanais du Kosovo fut le poète, l’écrivain et le diplomate Faik beg Konica (1876-1942). Il fut élève au lycée français de Galatasaray d’Istanbul (1890), comme de nombreux autres intellectuels albanais, et ensuite il fit des études en lettres françaises et en philosophie à l’Université de Dijon (1890-1895). Il reçut un autre diplôme de lettres, à l’Université de Harvard, en 1912. Il lisait et écrivait en français, en anglais, en italien, en grec, en arabe, en turc et persan. Il a traduit en albanais plusieurs ouvrages de Shakespeare, d’Ibsen, Edgar Allan Poe, Cervantes. Il a publié en français notamment : Esquisse d’une méthode pour se faire applaudir des bourgeois, La plus colossale mystification de l’histoire de l’espèce humaine, et l’Essai sur les langues naturelles et les langues artificielles (paru en 1904). Il est considéré comme un des plus grands stylistes de la prose moderne albanaise. Dans La Vie anecdotique du 1er mai 1912, Guillaume Apollinaire, qui s’était lié d’amitié avec Konica écrivit : « Des hommes que j’ai connus et dont je me souviens avec le plus de plaisir, Faik bég Konitza est un des plus singuliers ».

Il a beaucoup contribué, par ses ouvrages et articles, publiés dans de nombreuses revues, à diffuser la culture française auprès des Albanais.

La langue et la culture française dans la période contemporaine

L’enseignement de la langue française dans les établissements scolaires : primaires, secondaires et universitaires du Kosovo

Dans les écoles primaires du Kosovo faisant partie de la Yougoslavie fédérale (1945-1991), après la Seconde Guerre mondiale, on enseignait trois langues étrangères : le français, le russe et l’allemand. Le français, dans les années 1950, est largement dominant, avec 83% d’élèves, le russe avec 13% et l’allemand avec seulement 4%. Mais dans les années 1960, ce pourcentage de l’enseignement du français est tombé à 63%, et dans les années 1970 à 30%, avec la montée de l’anglais comme langue étrangère, qui commence à être prépondérante. Dans les années 1990, le français est enseigné dans 105 écoles primaires et l’anglais dans 320 écoles primaires du Kosovo.

Dans les écoles secondaires du Kosovo, le français est enseigné dans les années 1950, à 68,8% des élèves, dans les années 1960, le français est enseigné à 65% des élèves des écoles secondaires ( lycées), et dans les années 1970, seulement à 30% d’élèves. Dans les années 1980, le français est enseigné à 30% des élèves des écoles secondaires, et 70% des élèves aprennent, l’anglais, le russe et l’allemand.

Le Département de la langue et des lettres françaises a été fondé en 1970, l’année même de la fondation de l’Université de Prishtina, la capitale du Kosovo. Les professeurs de ce Département vont enseigner la langue française dans une dizaine de facultés de l’Université de Prishtina.

En 1970/1971 furent inscrit 135 étudiants dans ce Département. Ce nombre d’étudiants va baisser, durant les années, avec la montée de l’anglais. Ainsi dans les années 1990 et 2000, seront inscrit chaque année dans ce Département une cinquantaine d’étudiants. Les professeurs de langue et littérature française, depuis la fondation du Département ont développé une coopération parallèlement au travail d’enseignement et de recherche scientifique. Ils ont développée cette coopération avec les Départements de langue et lettres françaises notamment en France (à l’Université de Paris 8 Saint-Denis, l’Université Toulouse le Mirail II etc.). Ils ont participé à des colloques scientifiques, en France, en Suisse et en Belgique. Les professeurs de ce département (notamment : Ymer Jaka, Murat Bejta, Mensur Raifi, Masar Stavileci, Ruzhdi Ushaku, Shefki Sejdiu, Gjyltekin Shehu, Muhamet Kërveshi, Halit Halimi, Veli Veliu, Nerimane Kamberi) ont publié un nombre important d’ouvrages scientifiques et traduit également des œuvres d’auteurs français (notamment de Jean-Paul Sartre, Albert Camus, Emile Zola, Stendhal, Paul Verlaine, Arthur Rimbaud etc.). Les 23 et 24 octobre 2013, le professeur Nerimane Kamberi a participé (en présentant un exposé intitulé La France, terre d’amour et d’exil dans l’œuvre La Fête d’Abate) au Colloque “Images de la Méditerranée dans la Francophonie”, organisé par l’Association francophone de Palerme (Sicile). Le 23 mars 2014 le Département de Langue et Littérature Française de Prishtina a organisé le Colloque international « Le Voyage des Mots”.

Dans les années 1960, le français est enseigné dans les écoles primaires du Kosovo par 334 enseignants, dont 120 ont un diplôme de maîtrise en langue et lettres françaises. Dans les écoles secondaires, 76 enseignants enseignent le français, dont 34 ont un diplôme de maîtrise.

Dans les années 1980, la langue française est enseignée dans les écoles primaires et secondaires de 16 communes (le Kosovo ayant 36 communes).

Dans les années 2000, l’enseignement du français est dispensé à 6328 élèves des écoles primaires et secondaires.

La langue française est enseignée également dans une dizaine de facultés de l’Université publique du Kosovo. Le nombre d’étudiants qui suivent les cours de français, dans chacune des facultés, varie entre 120 et 150.

Le Ministère de l’Enseignement du Kosovo élabore des projets de renforcement et d’élargissement de l’enseignement de la langue française aussi bien dans les écoles primaires et secondaires que dans l’enseignement universitaire.

L’Alliance française de Prishtina, fondée en 2010, développe un très grand nombre d’activités qui ont pour but l’affirmation et la diffusion de la langue française et de la culture francophone au Kosovo. Elle organise des cours de français, à différents niveaux, suivis par une centaine de jeunes élèves et étudiants, mais également des journalistes, ainsi que des débats autours des ouvrages des auteurs français, des soirées de musique et de poésie française. L’Alliance française de Prishtina dispose d’une médiathèque riche en livres, documents et DVD. Elle participe, en coopération avec les Ambassades des pays francophones à Prishtina (France, Suisse, Luxembourg) à l’organisation, chaque année, du Festival de la francophonie (au mois de mars), de la Semaine du film français (au mois de novembre), à la fête de la musique (au mois de juin) et à d’autres activités culturelles.

Les membres de l’Alliance française de Prishtina participent également aux activités des « Francophones sans frontières » qui réunit les associations des francophones de l’Europe de l’Est (PECO).

Lors du Festival de la Francophonie de l’année 2014, entre le 19 mars et 29 mars, ont eu lieu de nombreuses activités culturelles francophones : présentation des pièces de théâtre, soirées du film et de la poésie françaises, expositions des œuvres des artistes, peintres et sculpteurs des pays francophones. A ces activités multiples participent également les enseignants et les étudiants du Département de la langue et des lettres françaises de Prishtina, ainsi que les membres de l’Association des Enseignants de la langue française du Kosovo.

Il faut souligner le fait que le développement de la culture francophone au Kosovo, dans la seconde moitié du XX° siècle se déploie dans un contexte plus large de multilinguisme et de multiculturalisme institutionnalisé depuis les années 1950. Ainsi, dans toutes les institutions du Kosovo et dans les médias, et pas seulement dans les écoles et l’Université, se pratique un usage public de la langue albanaise (de la majorité de la population), mais également de la langue serbe, de la langue turque et de la langue rom. Les revues littéraires et scientifiques sont publiées en albanais et en serbo-croate, et un certain nombre de celles-ci sont bilingues (Thema, Revue de philosophie et de sociologie, la Revue des sciences économiques OECONOMIA, la Revue des sciences juridiques E drejta-Pravo etc.) La diversité des cultures du Kosovo a bénéficié d’un soutien institutionnel.

La culture francophone au Kosovo

Les recherches scientifiques dans le domaine des lettres et des sciences humaines au Kosovo, notamment durant la seconde moitié du XX siècle, sont fortement marquées par les théories modernes françaises. L’activité intense de traduction d’ouvrages littéraires, philosophiques, sociologiques et politologiques des auteurs français a été accompagnée par des publications de recherches scientifiques des auteurs kosovars, dans cette période ainsi que durant les années 2000.

Ainsi, le linguiste kosovar Selman Riza (1909-1988), qui avait fait ses études de lettres françaises et de droit à l’Université de Toulouse (après avoir été élève du Lycée français de Korça en Albanie, dans les années 1930) introduit dans les recherches linguistiques, notamment sur la grammaire, les théories de Ferdinand de Saussure. Plus tard, dans années 1970, c’est le professeur Rexhep Ismajli, linguiste, qui développe des recherches dans le domaine de la linguistique structurale et la socio-linguistique, à l’appui notamment des conceptions d’André Martinet, mais également des théories sémiologiques de Roland Barthes. Ismajli traduit en albanais, en 1974, l’ouvrage de Marcel Martinet Eléments de linguistique générale, l’accompagnant d’une préface, et en 1978, le Cours de linguistique générale de Ferdinand de Saussure, en 1984 l’ouvrage de Osvald Ducrot & Tzvetan Todorov, Dictionnaire encyclopédique des sciences de langage, et en 1987 l’Aventure sémiologique de Barthes.

Murat Bejta et Halit Halimi, publient, dans les années 1980 des dictionnaires français-albanais.

Dans le domaine des lettres, Anton Ceta traduit un choix de Contes et nouvelles de Maupassant, en 1963, Gani Luboteni , L’étranger de Camus en 1965, Masar Stavileci, La nausée, de Sartre en 1966, Eqrem Basha Les conquérants de Malraux en 1977 ; Muhamed Kerveshi La vie de Beethoven, de Romain Rolland 1974 ; Ymer Yaka Les Faux-monnayeurs de Gide, en 1982 et Du côté de chez Swann de Proust en 1989; Ibrahim Rugova traduit Notions d’Esthétique de Charles Lalot, en 1978.

E. Basha traduit un choix des pièces de théâtre de Ionesco,(1979), de Sartre (1981), de Camus en 1982, le Théâtre complet de Samuel Beckett (1995) et une anthologie de pièces de théâtre d’ Alfred Jarry à Yasmina Reza, en 2008.

Dans le domaine de la poésie R. Ismajli traduit les poésies de Prévert, M. Kerrveshi traduit La porte ouverte, de Eluard, en 1976, les poésies de Baudelaire, en 1996, d’Apollinaire en 1990, de Mallarmé en 1997 et en 2003 il publie une Anthologie de la poésie française (du XVI° au XX° siècle). Mensur Raifi publie en 1990 Les fleurs du mal de Baudelaire et un choix de poèmes de Rimbaud et Ymer Jaka, les poésies de Senghor etc.

Dans le domaine de la philosophie et des sciences humaines, R. Ismajli traduit Le Discours de la méthode de Descartes (1974), Y. Jaka traduit L’Existentialisme est un humanisme de Sartre en 1986, Lettres philosophiques et Le philosophe ignorant de Voltaire, en 1987, Julie ou la Nouvelle Héloise de Rousseau, et aussi De la démocratie en Amérique, de Tocqueville, en 1998. Muhamedin Kullashi traduit un choix de dialogues philosophies de Diderot (dont Le Rêve de d’Alembert), un choix des Situations de Sartre, ainsi que ses Questions de méthode, La critique de la vie quotidienne de H. Lefebvre, Les Damnés de la terre, 1981, de F. Fanon, un choix de textes de Claude Lefort Démocratie et totalitarisme (1996), La condition postmoderne de Lyotard,1996, et Ethique et infini de Lévinas, 2003, etc.

E. Basha traduit La pensée sauvage de Claude Lévy-Strauss, en 1999;

E. Hasimja traduit en 2003 Le passé d’une illusion, Essai sur l’idée communiste au XX° siècle, de Françoit Furet, Etleva Shiroka La création des identités nationales, l’Europe XVIIIe-XXe siécle,(2004), Y.Jaka Histoire des idées politiques, I-II, de Yves Gushet et Jean-Marie Demaldent, (2005), K. Metaj l’ouvrage de Patrice Canivez Eduquer le citoyen (2004) ainsi que celui d’Eric Weil La philosophie politique (2006) ; Nouvelle histoire des idées politiques, ouvrage collectif sous la direction de Pascal Ory, est traduit par Krenar Hajderi, en 2008, et Gjergj Zheji traduit l’ouvrage de Bernard Valade et Renaud Fillieule, Introduction aux sciences sociales, en 2008.

La grande majorité des ouvrages ou des articles de ces auteurs est fondamentalement inspirée par les lettres et la philosophie française, mais ils sont également consacrés aux analyses de la pensée française. Ainsi. R. Ismajli dans Signes et idées (1972), ou Multiplicité du texte (1977); ou M. Kullashi dans Philosophèmes(1975) Vers la métaphilosophie(1986), Pouvoir et savoir chez Foucault (2008), ou Sabri Hamiti sur les conceptions de Gérard Genette. Mensur Raifi consacre plusieurs livres aux analyses des poésies de Rimbaud et Verlaine, I. Rugova à la critique littéraire contemporaine française.

Un très grands nombre d’articles des auteurs kosovars sur les lettres, l’art et la philosophie française a été publié, depuis les années 1960, dans les revues « Jeta e re », « Përparimi », « Fjala », « Thema », mais aussi dans les quotidiens « Rilindja », « Koha ditore » de Prishtina etc.

Egalement, au sein de l’Université de Prishtina et de l’Académie des Sciences et des Arts du Kosovo, depuis les années 1960, notamment, ont été organisés un très grand nombre de colloques internationaux sur des thèmes qui concernent la pensée et la culture française. Ainsi, dans les sessions du Séminaire de la langue et de la culture albanaise, organisé par la Faculté de Philologie de Prishtina, chaque été depuis 1974, ont été appelés à participer un nombre important de chercheurs (linguistes, critiques littéraires, sociologues etc.) issus de pays francophones (France, Belgique, Suisse).

En mai 2005, à l’occasion du centenaire de sa naissance, à l’Université de Prishtina fut organisé un colloque international sur Jean-Paul Sartre, avec des chercheurs français (dont Jean-Marc Levent, Dominique Lepage etc.), mais également des chercheurs francophones de Serbie, de Croatie, de Slovénie, d’Albanie. En 2004, à Prishtina, au colloque international concacré à la pensée d’Emmanuel Kant, à Prishtina, Alain Brossat, est intervenu avec un exposé sur l’interprétation foucaldienne de la question de Kant sur les Lumières, et M. Kullashi sur la lecture de Paul Ricœur de l’éthique kantienne.

En 2007, au colloque international sur le thème « L’identité européenne du Kosovo », le balkanologue français Paul Garde intervient sur les ambiguïtés du concept de la nation, et le philosophe Alain Brossat sur le thème « L’Europe : nous et les autres ».

Les écrivains et les chercheurs kosovars ont publié, depuis les années 1970, des livres et des articles dans divers pays francophones. Ainsi Eqrem Basha publie Les ombres de la nuit, récits, chez Fayard en 1999, le poéte Ali Podrimja publie L’ombre de la Terre (1971), Sourires dans la cage (1994), Défaut de verbe ( 2000), et Viatique à Paris. Rexhep Cosja publie La Mort Me Vient De Ces Yeux-Là – Treize Contes Qui Peuvent Faire Un Roman ,La Question albanaise, en 1995, Jusuf Buxhovi publie son roman Qui résiste à la peste résiste au diable, Le journal de Gjon Nikollë Kazazi chez l’Harmattan (2011), Jeton Neziraj La Guerre au temps de l’amour, notamment, chez L’Espace d’un instant. Il a présenté sa pièce de théâtre La démolition de la Tour Eiffel à la Fabrique éphéméride en 2010. M. Kullashi publie Humanisme et haine. Les intellectuels et le nationalisme en ex-Yougoslavie (1997) et Effacer l’autre -Les identités politiques et les identités culturelles dans les Balkans (2006), chez l’Harmattan ainsi que dans une vingtaine d’ouvrages collectifs, publiés à Paris (dont Parler des camps, penser les génocides, 1999 chez Albin Michel ou dans Lettres aux générations futures, publication de l’UNESCO, en français et en anglais, Paris, 1999) à Bruxelles (De la question albanaise au Kosovo, Editions Complexes, Bruxelles, 1999) ou à Montréal (Les Intellectuels et les médias: Dialogue est-ouest pour la démocratie dans les Balkans, Transitions, 2005). Les écrivains et les chercheurs kosovars (Gani Bobi, Eqrem Basha, Rexhep Ismajli, Hivzi Islami, M. Stavileci, M. Kullashi, V. Surroi, B. Shala etc.) ont participé à un grand nombre de colloques internationaux à Paris, à Bruxelles, à Lausanne, à Genève, à Montréal, ou fait des conférences et des cours dans les universités de ces pays, notammant dans années 1990-2014. Ils ont publié également dans des revues scientifiques (Esprit, Débat, L’histoire présente, Drôle d’Epoque etc.) et dans les quotidiens français Le Monde, Libération, le Figaro, ou le Soir (Bruxelles), le Temp s(Genève ) etc. De la même façon, de nombreux artistes kosovars (peintres, poètes, musiciens, chanteurs etc.) se sont présentés au public des pays francophones (France, Suisse, Belgique, notamment), notamment, dans le cadre du Centre culturel de Kosovo, dirigé par Frédérique Duversin.

De la même façon, de nombreux intellectuels et chercheurs français, belges, suisses, canadiens, ont participé à de nombreux colloques internationaux organisés au Kosovo, ou à Paris, Bruxelles, Genève ou Montréal, consacrés aux thèmes des conflits dans les Balkans ou plus particulièrement aux divers aspects de la question du Kosovo. Ainsi aux colloques organisés par les chercheurs kosovars ont participé, à diverses reprises, notamment, Claude Lefort, Pierre Rosanvallon, Alain Brossat, Paul Garde, Véronique-Nahoum Grappe, Antoine Garapon, Olivier Mongin, Olivier le Cour Grandmaison, Jean-François Bert, Pierre Bayard, Jean-Pierre Fournel, Christopher Lucken, Florence Hartmann, Georges-Marie Chenu, Odile Perrot etc.

La participation active des écrivains et des chercheurs kosovars à la vie publique et culturelle de certains pays francophones a été liée à la participation active des auteurs et des intellectuels français dans l’espace public du Kosovo et autour des thèmes qui concernent les événements dramatiques qui ont eu lieu au cours des dernières décennies, dans les Balkans et plus particulièrement au Kosovo. Le Centre culturel de Kosovo, dirigé par Mme Frédérique Duversain, depuis les années 1990, a organisé à Paris, notamment, de nombreuses expositions des peintures de peintres et de sculpteurs kosovars, et également des soirées de poésies avec des poètes du Kosovo. F. Duversin a également traduit en français les poésies de Mark Krasniqi et de Sali Bashota. Parmi les peintres et sculpteurs kosovars qui ont exposé à Paris, à la Cité des Arts ou dans diverses galeries, on peut citer notamment Rexhep Ferri, Eshref Qahili, Tahir Emra, Esat Valla, Shpend Qeriqi, Zake Prelvukaj, Jeton Gusia, Driton Hajredini, Amir Ibrahimi, Jeton Muja, sculpteurs Luan Mulliqi et Burim Gashi. De même, la violoniste kosovare Sihana Badivuku s’est produite, à diverses reprises sur des scènes musicale de Paris et Bruxelles, l’Orchestre « Okteti plus » de Prishtina, le 15 février 2010 à 20h au théâtre « Le Palace » » à Paris, l’orchestre « Rexho Mulliqi » au théâtre « La Grande comédie » de Paris, en 2012, orchestre caméral « Rexho Mulliqi », l’Orchestre philharmonique de Kosovo etc. Le prix Meilleur Réalisateur (ÉCU 2012, Paris), en 2012, est revenu à la réalisatrice Blerta Zeqiri. Un aspect important de la communication entre la société kosovare et divers acteurs des pays francophone est lié au travail des associations des droits de l’homme et des associations humanitaires des pays francophones au Kosovo, depuis les années 1980. Ainsi, le travail de terrain de nombreux collectifs contre « le nettoyage ethnique », des associations comme le Mouvement de l’Alternative non-violente (français et suisse), Initiative des Citoyens d’Europe, le Comité de Kosovo (Paris), « Justice et paix » de l’Episcopat français, l’Association des Chrétiens contre la Torture (ACAT) ou « Le Pélikan, agir et partager »(notamment son projet de fondation d’un centre francophone d’apprentissage), a permis une communication avec divers acteurs de la société kosovare et données lieu à de nombreuses publications en langue française.

Le “Comité Kosovo” de Paris, fondé en 1992, auprès de la revue Esprit, par Olivier Mongin, Antoine Garapon, Pierre Hassner, M. Kullashi, Pascal Bruckner, Véronique Nahoum-Grappe, a développé, durant plus de deux décennies un travail de recherche et d’analyse, ainsi que des débats sur divers aspects de la question du Kosovo. Le Comité a publié plusieurs ouvrages (dont l’ouvrage collectif Le Kosovo-un drame annoncé, 1999, le livre d’entretiens avec Ibrahim Rugova La question du Kosovo, 1997, Le Kosovo 191-1989 ; 1998-2001, Etablir les faits, 2001). Les activités du Comité, notamment ont permis de mieux connaître les problèmes politiques et culturels du Kosovo: des rencontres au Kosovo avec divers acteurs, mais aussi en France. Ainsi, en 1999, le Président Jacques Chirac a reçu une délégation du Comité Kosovo de Paris, en avril et au mois de juin 1999. En 1998, durant la guerre au Kosovo, les représentants de divers partis politiques mais aussi des intellectuels de Kosovo et de Serbie ont participé aux trois conférences (avril, mai et juin) consacrées à la recherche d’une solution politique du problème. Ces rencontres ont été organisées par la FIDH à Paris et la Fondation France-Liberté. Elles ont eu lieu à l’Assemblée nationale, dont le président était alors Laurent Fabius.

Les multiples activités de ces associations des pays francophones au Kosovo ont donné lieu à la diffusion accrue de la culture francophone et de ses valeurs fondamentales.

La jeune République du Kosovo doit sa naissance même, parallèlement à la résistance politique et armée de son peuple, à la solidarité de la communauté internationale qui avait pour objectif l’établissement de la paix, de la sécurité, pour toute sa population – mais également la reconstruction et le développement durable du pays. La France et d’autres pays francophones, comme la Belgique, la Suisse, le Canada, l’Autriche, la Grèce mais aussi le Sénégal, le Maroc, la Turquie, ont joué et continuent de jouer un rôle décisif dans cette entreprise de promotion de la paix, de la démocratie, de l’Etat du droit et de la coexistence fructueuse des diversités culturelles et linguistiques au Kosovo, à travers la MINUK, la KFOR, l’EULEX et d’autres organismes internationaux.

Cette présence internationale au Kosovo, depuis 1999, a apporté un soutien très important non seulement au développement économique du Kosovo mais également à une communication intense de la population et de ses institutions nouvelles avec les représentants de nombreux organismes internationaux, de différentes cultures et langues. Cette entreprise de solidarité internationale a permis également la reconstruction graduelle des liens à l’intérieur de la société kosovare, mis à mal par le conflit provoqué par le régime de Milosevic, qui s’était attaqué plus particulièrement au caractère multiethnique et multilinguistique du Kosovo. Ainsi, la diversité culturelle, y compris francophone, a été vivifiée et ravivée par une expérience enrichissante culturelle et politique, guidée par des principes et valeurs universels.

Son Excellence Monsieur Muhamedin KULLASHI, Ambassadeur de la République du Kosovo.

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