Mondialisation et civilisation de l’Universel chez Léopold Sédar Senghor

M. Doudou Diop.

Messieurs les Ministres, Messieurs les Ambassadeurs, Messieurs les Membres de l’Académie, Messieurs les Membres de l’Institut, Mesdames et Messieurs les personnalités, Chers amis,

Mondialisation et Civilisation de l’Universel : à première vue ces deux concepts ont un air de famille, de parenté sémantique. En apparence seulement. Car ce qu’on appelle globalisation ou mondialisation comporte des ambiguïtés qu’il convient d’abord de lever avant que de s’interroger pour savoir si c’est une chance ou un handicap dans le monde où nous vivons; ensuite seulement il sera possible de procéder à une confrontation, que j’espère fructueuse, avec ce que Léopold Sédar Senghor appelle Civilisation de l’Universel. Civilisation qu’il a théorisée et pour laquelle il a milité sa vie durant.

La mondialisation-globalisation est un thème central de l’analyse politique et une représentation sociale majeure de l’époque contemporaine. Le sens de la mondialisation est plurivoque et fortement connoté. On peut recenser au moins quatre acceptions pour ce terme.

On peut dire avec Théodore Levitt (1983) que la mondialisation caractérise la convergence des marchés dans le monde et dont les deux aspects principaux seraient, d’une part, la globalisation des flux financiers et les nouvelles technologies de l’information, d’autre part.

On peut élargir cette définition, comme le fait Kenichi Ohmae, à l’ensemble de la chaîne de création de valeurs: la mondialisation désigne alors une forme de gestion, totalement intégrée à l’échelle mondiale de la grande firme multinationale.
Ce faisant, la mondialisation décrit le processus à travers lequel les entreprises les plus internationalisées tentent de redéfinir à leur profit les règles de jeu précédemment imposées par les États-nations.
Ainsi, la mondialisation rend compte de l’émergence d’une économie globalisée dans laquelle les économies nationales seraient décomposées, puis ré-articulées au sein d’un système de transactions et de processus opérant directement au niveau international.

En un mot, la mondialisation est le résultat de la conjugaison de la globalisation des flux financiers et des nouvelles technologies de l’information et de la communication. De ce point de vue, la mondialisation est un fait incontestable et la contester n’a pas grand sens. Cependant elle comporte des incertitudes, des risques qui rendent parfaitement légitimes les interrogations sur la signification du monde qu’elle semble dessiner. C’est la mise en évidence de ces incertitudes, sans esquiver les interrogations qu’elle suscite, qui doit permettre de répondre à la question qui divise les analystes: la mondialisation est-elle une chance ou handicap ou les deux à la fois? Alors seulement nous pourrions la mettre en parallèle avec la Civilisation de l’Universel théorisée par Léopold Sédar Senghor.

Quelles sont les incertitudes, mais aussi les enjeux de la mondialisation ?

Quand on parle de la mondialisation, comme c’est de mode, il faut faire attention à deux risques qui peuvent brouiller sa signification. Un risque d’imprécision dû à un fort degré de généralité, un risque de ramener désormais tout fait social à la mondialisation. En un mot, risque de ce que les philosophes appellent hypostase qui ferait glisser subrepticement de la description à l’idéologie en faisant fonctionner la mondialisation comme un nouveau paradigme ou une sorte de nostalgie des méta-récits, des  » narrations idéologiques  » dont la fin caractérise ce que le philosophe Lyotard appelle post-modernité. Ce qui ferait que le monde serait encore interprétable.

Or l’aspect le plus visible de la mondialisation sur le plan sémiologique, c’est bien cette espèce de réduction de l’espace dans lequel nous vivons, avec toutes les conséquences que ce processus a sur notre conscience d’appartenir au monde, que ce monde soit, comme le dit Zaki Laïdi, le marché pour les marchands, l’ordre mondial pour les stratèges, l’universel pour les individus citoyens. La mondialisation a modifié notre rapport à l’espace – qui s’élargit – et au temps – qui s’accélère. Ce processus est néanmoins ambivalent: l’appartenance postulée à un même monde s’accompagne d’une dynamique de distanciation économique et culturelle sans précédent et d’une revalorisation paradoxale des lieux d’une part, tandis que la simultanéité planétaire voit partout la résurgence des particularismes et des irrendentismes. Ainsi, on peut considérer qu’il y a au moins trois manières de refuser de penser la mondialisation.

D’abord, ne voir dans la mondialisation qu’un processus d’homogénéisation indivise: l’Occident s’américanise et le monde s’occidentalise. Puis ne prendre dans la mondialisation que les facteurs d’hétérogénéité. Enfin, ne concevoir la mondialisation que comme nouveau clivage, nouvelle bipartition du monde: d’un côté, Mac Donald et, de l’autre, la jihad. Or Mac Donald comme jihad recourent à internet.

Pour éviter ces réductions fortement idéologiques, il convient, il nous semble, de distinguer dans la mondialisation trois processus complémentaires, mais distincts.

Si nous suivons l’excellente analyse de Laïdi dans le n° 49 de Migrations et société, on peut repérer dans la mondialisation, tout d’abord, l’interdépendance croissante des activités humaines indépendamment de leur situation dans l’espace, donc l’interpénétration croissante des sociétés. Nous entrons dans l’ère de l’agir communicationnel avec deux conséquences immédiates. D’une part, le bouleversement des modalités de construction de l’identité et les modes d’action publique sont entrés dans une crise sans précédent.

D’autre part, la réduction-compression de l’espace grâce aux nouvelles technologies qui tendent à effacer la notion géographique de frontière a pour conséquences le basculement des dynamiques spatiales vers des dynamiques temporelles; en d’autres termes, la compétition économique bascule de l’espace vers le temps, par exemple jamais l’expression  » time is money  » n’a eu autant de sens que maintenant. Comme le dit Laïdi,  » la mondialisation ou Temps mondial est un moment où les sociétés humaines renégocient leur rapport au temps et à l’espace parce qu’un certain nombre d’événements ont eu lieu, parce due de nouvelles légitimités sont apparues, parce que de nouveaux rapports de force se sont instaurés (accélération des processus d’intégration économique et financière, fin de la guerre froide, etc.).  »

Enfin, l’interpénétration croissante des sociétés avec une démultiplication des liens individuels et collectifs entre sociétés directes (voyage, migrations, diasporas, etc.) ou indirecte (paraboles, communications informatiques, etc.) a créé ce qu’on pourrait appeler  » un imaginaire de la mondialisation  » articulé autour de trois dimensions.

La première, c’est le sentiment d’appartenir à un même monde; la deuxième dimension est le fait de se reconnaître apparemment dans des formes esthétiques ou culturelles communes; et la troisième est le sentiment de vivre en temps réel avec le reste du monde. Le sentiment d’appartenance commune est renforcé par le développement des formes culturelles communes (world music, grands hôtels, aéroports): en un mot, par la mondialisation des formes. Sentiment amplifié par la simultanéité planétaire. On pourrait imaginer que cette interpénétration des économies et des cultures serait en passe de réaliser le pari de l’universalisme. Or on constate que le projet de démocratisation des savoirs et de la culture tel qu’il a été pensé par la philosophie des Lumières est en crise. Nous assistons à la mercantilisation de la culture, à l’hégémonie d’une culture ou, pour parler vite, à une anglo-saxonnisation du monde. Tout cela rend problématique le terme même de  » village global  » inventé par Mac Luhan ou, en tout cas, très suspect. En effet, le risque est grand de voir s’imposer un modèle géo-culturel particulier comme référence universelle, comme seule façon d’organiser la mémoire collective.

Passons à présent de la mondialisation à la Civilisation de l’Universel.

Si nous avons insisté sur les difficultés théoriques et les conséquences pratiques de la mondialisation, c’est bien parce qu’elle pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses quant aux inquiétudes légitimes que nous nourrissons sur le devenir de nos sociétés. C’est pourquoi il importait de s’efforcer de bien poser les problèmes, car de la position même des questions dépendra la qualité des réponses que nous pourrons esquisser.

Nous sommes bien obligés de constater que, si la mondialisation est repensée, elle est riche de promesses quant à la construction d’une véritable civilisation de l’universel, alors que, si nous la faisons fonctionner sans véritable interrogation sur sa finalité, elle sera lourde de menaces et d’incertitude.

En deuxième lieu, nous constatons que cette mondialisation, dans sa configuration actuelle, est plus l’expression de la domination de la triade Europe-Amérique-Japon que l’émergence d’un véritable village planétaire au service de l’homme, de tous les hommes.

Le Président Wade, en parlant des pays émergents face à la mondialisation, n’a-t-il pas demandé  » aux pays développés d’accepter d’élargir le concept d économie mondiale en y intégrant effectivement le monde en voie de développement ! « . Cette nouvelle perspective est toujours selon lui  » la véritable mondialisation et la véritable globalisation qui fera de l’économie mondiale un espace de solidarité et d’équité ». C’est un des nobles objectifs du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD).

La vérité nous oblige à dire que nos sociétés sont en crise: crise de sens, de valeurs, crise du futur dont on devine l’avenir problématique. Il y a cette désaffection et ce discrédit du politique, le chômage avec son cortège de misère inédite; il y a cette violence, ce désarroi de la jeunesse sur fond de revendication existentielle ou identitaire ; il y a cette ombre portée de la mondialisation – plutôt cette anglo-saxonnisation du monde sous la férule d’un libéralisme sauvage – dont tout le monde pressent qu’il contribue au brouillage des repères axiologiques. Pressentiment qui se justifie de la fiction de la démocratie libérale et de l’économie de marché érigées en paradigmes universels et comme seul horizon de notre siècle. Et Maître Abdoulaye Wade, Président de la République du Sénégal, de tirer sur la sonnette d’alarme en dénonçant cet amalgame  » entre les intérêts de l’économie mondiale et ceux de l’économie du Nord  » qui font que  » les partenaires du Nord ancrés dans cette fausse perspective, ne recherchent fondamentalement la croissance mondiale qu’à travers la croissance de leur économie « .

Ce véritable  » désastre  » presque partout victorieux devant la montée de tous les périls s’alimente de la stase de l’esprit capturé par la vocifération médiatique, des oripeaux dont se drape la pensée molle, unique et terroriste, et de l’occultation bruyante des humanistes au profit des purs logiciens. Les moyens – muets par définition sur le plan éthique – triomphent sur les fins sans la représentation desquelles une société ne saurait survivre. Le malheur est que le monde s’occidentalise, or l’Occident, comme le dit le romancier sénégalais Cheikh Hamidou Kane,  » est tellement fasciné par le rendement de l’outil qu’il en a perdu de vue l’immensité infinie du chantier « .

Notre monde a besoin de  » ce supplément d’âme  » dont parlait Bergson. Dans l’urgence. C’est ici que la pensée de Léopold Sédar Senghor est extrêmement féconde.

Vers la Civilisation de l’Universel !

 » C’est Dimanche.
J’ai peur de la foule de mes semblables au visage de pierre.
[…] Que de ma tour dangereusement sûre, je descende dans la rue
Avec mes frères aux yeux bleus
Aux mains dures.  »

Dans ces vers de Senghor qui commencent et finissent son poème In Memoriam, dans Chants d ombre, se trouve esquissée toute la distance qui sépare mondialisation et Civilisation de l’Universel. En effet, il faut partir de la foule de nos semblables vers nos frères aux yeux bleus: de l’homogénéité vers la fraternité.

Chez Senghor, au fondement de la Civilisation de l’Universel, il y a deux principes: le métissage, l’enracinement et l’ouverture.
Que toutes les civilisations fussent métisses, les sciences en apportent des preuves irréfutables. Le métissage culturel et biologique, en faisant dialoguer les cultures dans une perspective symbiotique, est le premier atout d’une civilisation de l’universel consciente d’elle-même ; et ce métissage se fait par cercles concentriques, car comme le père Teilhard de Chardin, Senghor croit que  » tout ce qui monte converge « . Et il ajoute, dans Ce que je crois :  » je crois, d’abord et pardessus tout, à la culture négro-africaine, c’est-à-dire à la Négritude […]. Je crois également, pour l’avenir, à la francophonie, plus exactement à la Francité, mais intégrée dans la latinité et, par-delà, dans une civilisation de l’universel, où la Négritude a déjà commencé son rôle primordial « .

Cependant, il ne s’agit nullement chez Senghor d’un universalisme abstrait. Il est convaincu, et nous avec lui, que c’est en s’enracinant profondément dans sa culture d’origine qu’on s’ouvre mieux aux autres ou encore que c’est en creusant le particulier qu’on atteint l’Universel. Aussi Senghor a-t-il toujours milité pour un enracinement préalable à l’ouverture. Comme son ami Césaire, il considère qu’une civilisation, à se replier sur elle-même, s’étiole et meurt.  » II faut assimiler sans être assimilé « .

La civilisation de l’Universel qu’il faut bâtir est une reconstruction de l’unité humaine à travers sa diversité culturelle. C’est une civilisation qui met l’homme en son centre. Senghor milite pour une nouvelle humanité enfin réconciliée avec elle-même parce que libre et fraternelle. Dans la paix chantée par Éthiopiques :
 » Je n’ai haï que l’oppression
Ce n est pas haie que d’aimer son peuple
Je dis qu’il n’est pas de paix armée, de paix dans l’oppression
J’ai voulu tous les hommes frères.  »

La Civilisation de l’Universel à laquelle songe Senghor est bien différente de la mondialisation des banquiers; mais le formidable développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, bien maîtrisées, peut la servir utilement. Il ne s’agit nullement d’une uniformisation arbitraire qui laisserait une bonne partie de l’humanité au bord de la route, mais bien d’une symbiose des peuples dans l’accord des esprits et des coeurs. Senghor redoute même une telle uniformisation-occidentalisation et la dénonce comme contraire précisément à l’universalité à laquelle il aspire comme l’atteste cette magnifique vision de Chaka extraite d’Éthiopiques :

« Mon calvaire.
Je voyais dans un songe tous les pays aux quatre coins de l’horizon soumis à la règle, à l’équerre et du compas
Les forêts fauchées, les collines anéanties, vallons et fleuves dans les fers. Je voyais les pays aux quatre coins de l’horizon sous la grille tracée par les doubles routes de fer
je voyais les peuples du Sud comme une fourmilière de silence.
Au travail. Le travail est saint, mais le travail n’est plus le geste
Le tam-tam ni la voix ne rythment plus les gestes des saisons.
Peuples du Sud dans les chantiers, les ports, les mines, les manufactures
Et le soir ségrégés dans les kraals de la misère.
Et les peuples entassent des montagnes d’or noir d’or rouge -et ils crèvent de faim.
Et je vis un matin, sortant de la brume de l’aube, la forêt des têtes laineuses
Les bras fanés le ventre cave, des yeux et des lèvres immenses appelant un dieu impossible.
Pouvais-je rester sourd à tant de souffrances bafouées ?  »
Vision terrifiante et prémonitoire. C’est ce qui risque d’advenir au monde si nous laissons le destin de l’homme entre les mains des mercantilistes. La civilisation de l’universel, c’est l’amitié entre les peuples, l’émergence d’une citoyenneté mondiale, libre et éclairée qui protège les identités faibles et affermit les citoyennetés rétives. C’est le rendez-vous du donner et du recevoir.

Pour le dire comme Césaire,

 » C’est pour la faim universelle
Pour la soif universelle
La sommer libre enfin
De produire de son intimité close la succulence des fruits.  »
La mondialisation n’est donc pas la civilisation de l’universel qui est à construire et dont elle pourrait s’inspirer. La Civilisation de l’Universel que propose Senghor peut être déclinée comme un nouveau pacte de solidarité universelle. Ce nouveau contrat pour demain, avec les chantiers à ouvrir dans la perspective d’un développement durable dans la paix et l’unité, au sein de démocraties apaisées, soucieuses de la dignité humaine, n’a de chance d’être effectif que s’il met en son fondement un véritable pacte pour l’émergence d’une nouvelle solidarité organique et citoyenne.

Dans notre monde, conformément à son génie et à sa vocation, il y a des fraternités en attente, des solidarités frémissantes dont la conjugaison ne peut être victorieuse que si ce qui nous unit importe plus que ce qui nous sépare. Pour ce faire, il faudrait que tous les gens de valeur, au-delà des vicissitudes politiques qui les font se retrouver dans des camps politiquement et provisoirement adverses, puissent se retrouver autour de l’essentiel et mettre en commun leur génie et leur talent au service de ce monde que nous avons en partage.

C’est à ce prix que nous rendrons à notre jeunesse l’enthousiasme porteur d’espérance, que nous restituerons aux anciens leur éminente place, à nos femmes leur rôle décisif d’actrices du développement, aux exclus leur place dans la cité et à tous la dignité par le travail et la pleine conscience de leur citoyenneté.

La solidarité organique et citoyenne a pour vocation de renforcer la communauté internationale, de pacifier le jeu politique, de faire de sorte que chaque citoyen, dans le plein exercice de ses responsabilités, se sente dépositaire de l’ambition collective.

Devant les formidables défis qui nous attendent et les grands périls qui nous guettent, il s’agit d’accorder à la culture et à l’éducation une importance accrue dans un contexte de mondialisation où les identités faibles et les citoyennetés rétives courent de graves dangers.

Or donc, comment restituer à nos cultures leur cohésion, à nos démocraties leur force, au développement ses chances, si nous n’engageons pas contre les exclusions de toute sorte, contre la misère, le chômage, surtout celui des jeunes, un combat résolu et déterminé? Notre développement sera tronqué si nous laissons au bord du chemin une partie, si infime soit-elle, de nos compatriotes pour raison de pauvreté, de chômage ou de maladie.

Pour conduire les changements inéluctables afin de semer les graines pour les moissons futures, en un mot pour construire ensemble la Cité de demain, la solidarité organique et citoyenne doit être la boussole. Nous pensons à une solidarité verticale d’abord, qui passe par une juste répartition des fruits de la croissance, qui suppose des États humbles et efficaces, à l’écoute de la demande sociale, animés par des femmes et des hommes ayant une haute idée du service public et soucieux de donner le meilleur d’eux-mêmes. Cette solidarité doit être aussi, fondamentalement, une solidarité horizontale dans laquelle chaque citoyen, assumant pleinement son rôle dans la cité, se sentira responsable du destin de tous, en un mot ériger le civisme en vertu.

Il s’agit de se ceindre les reins pour édifier un monde libre et fraternel dans lequel les valeurs de solidarité, de partage et de justice seront des exigences constantes, loin de toutes les dérives et de toutes les confrontations stériles.
Le millénaire et le siècle qui sont déjà à notre porte ne seront pas une sinécure et exigeront, si nous voulons les réussir, la mobilisation de toutes les énergies et un réarmement moral nécessaire aux combats de demain pour que se lève à l’horizon de l’attente de nos peuples  » l’aube transparente d’un jour nouveau  » dont les prémisses que nous avons indiquées font déjà poindre les premiers rayons des soleils futurs, pour que se dissipent enfin les ténèbres de la pauvreté, de l’exclusion, du mal-être et du mal-vivre. C’est de l’avènement de ces soleils-là et de ces soleils là seulement dont nous sommes comptables.

Oui, il ne s’agit pas de nous étriper entre pro et anti-mondialisation mais de réfléchir ensemble sur le monde que nous voulons construire, car, comme le dit encore Césaire,  » il n’est pas vrai que l’oeuvre de l’homme soit finie, l’oeuvre de l’homme vient seulement de commencer « . Le Président Senghor fut héraut de la bonne nouvelle avec sa récade d’ivoire quand il dit dans Le Retour de l’ enfant prodigue de Chants d’ombre :

 » Soyez bénis, qui n’avez pas permis que la haine gravelât les cours.
Vous savez que j di lié amitié avec les princes proscrits de l esprit, avec les princes de la forme.
Que j’ai mangé le pain qui donne faim de l’innombrable armée des travailleurs et des sans-travail.
Que j’ai rêvé d’un monde de soleil dans la fraternité de mes frères aux yeux bleus.  »

Permettez-moi de terminer par cette magnifique citation de Cheikh Hamidou Kane, qui résume au fond l’essentiel de ce que nous avons voulu dire aujourd’hui :  » Chaque heure qui passe apporte un supplément d’ignition au creuset où fusionne le monde. Nous n’avons pas eu le même passé, vous et nous, mais nous aurons le même avenir, rigoureusement. L’ère des destinées singulières est révolue. Dans ce sens la fin du monde est bien arrivée pour chacun de nous, car nul ne peut plus vivre de la seule préservation de soi. Mais, de nos longs mûrissements multiples, il va naître un fils au monde. Le premier fils de la terre. L’unique aussi « .

Et, en terminant, je voudrais, si vous le permettez, rappeler en guise de viatique, cette réflexion déjà exprimée par un chantre de la prospective qui disait que  » l’avenir du monde n’est pas ce qui doit arriver, il n’est même pas ce qui doit inévitablement se produire, il est ce que l’ensemble des hommes veulent faire « .

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