M. Armoogun PARSURAMEN / La diversité culturelle et linguistique à Maurice

Monsieur Armoogun PARSURAMEN, Secrétaire du Conseil exécutif de l’UNESCO, Ancien Ministre de l’éducation, des arts et de la culture de la République de Maurice.

Monsieur le Président de l’Association France-Maurice, l’Amiral Francis de la Haye,
Madame Anne Magnant, Présidente du Cercle Richelieu-Senghor, Madame Irène Frain, la modératrice et écrivain de renom,
Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs,
Monsieur le Président Uteem
Distingués invités,
Mesdames, Messieurs,

Je suis très sensible aux bons sentiments et aux bien aimables paroles de l’Amiral Francis de la Haye et Madame Anne Magnant à mon endroit. Je suis très touché par l’intérêt qu’ont témoigné, en la circonstance, mon grand ami, Monsieur l’Ambassadeur Albert Salon, et Mme Aminah Barkatoolah également des nôtres. Je suis très flatté d’avoir été invité par l’Association France- Maurice et le Cercle Richelieu- Senghor conjointement, en ce haut lieu de civilisation, ¬à m’exprimer sur un thème des plus investis par la pensée géopolitique contemporaine, et surtout à lancer un sujet de débat qui soit en intime rapport avec ce qui fait l’exception de mon pays natal :

Maurice : carrefour de dialogue ethnique, culturel et religieux
dans le contexte de la diversité culturelle et linguistiqueJe voudrais à juste titre saluer la présence parmi nous de l’ancien Président de la République de Maurice, M. Cassam Uteem.
M. Uteem et moi avions siégé au Conseil des Ministres durant les années 80, et de 1992 à 2002, durant deux mandats successifs, M. Uteem a présidé aux destinées de la République. Nous remercions le Président d’honorer bien aimablement notre cordiale invitation.
Avant de continuer, je dois juste vous dire que mon discours, ce soir, est un témoignage de mes expériences personnelles, et il n’engage que moi. Il ne représente en aucune manière quelque position officielle.
Dans le monde entier, y compris dans les cultures les plus anciennes et les mieux établies, on s’interroge sur les voies et les moyens d’assurer la diversité culturelle, et le dialogue des cultures, à l’opposé de tout « choc des civilisations » ; et même de tout « choc des cultures et des religions. »
Je sais qu’à l’instar de l’association France-Maurice, le Cercle Richelieu-Senghor y réfléchit mûrement. Cette année, en avril, le Cercle a invité M. Guéginou, Ambassadeur de France auprès de l’UNESCO, à parler de l’état d’avancement des négociations confiées à l’UNESCO, au sujet de la « Convention internationale sur la diversité culturelle. » Une preuve, s’il en est besoin, de la forte articulation de cette problématique nationale et internationale.
En vertu de mes responsabilités à l’UNESCO, je m’en réjouis d’autant plus que ces dernières années, un nombre impressionnant de conférences consacrées à ce thème, ont eu lieu, grâce à l’organigramme de l’UNESCO, avec évidemment le soutien des Etats membres.

En Octobre 2001, le Président Chirac, lors de la plénière de l’Assemblée générale de notre organisation, déclarait, entre autres, (je cite) :

« La démarche de l’UNESCO consistant à faire du dialogue entre les civilisations, un objectif intersectoriel et stratégique, montre à l’évidence, la nécessité d’intégrer cette idée à tous les sujets traités par l’Organisation. » (fin de citation)

En effet, la Conférence Générale de l’UNESCO, réunie en octobre 2005 à Paris, a adopté la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.
L’Ile Maurice, bien effectivement, abonde dans le sens de cette stratégie. En tant qu’ancien ministre mauricien, je puis vous affirmer que pour la République de Maurice, l’esprit du dialogue sociopolitique ne s’arrête pas à la pure réflexion intellectuelle et diplomatique, mais cet idéal se traduit matériellement, concrètement, en de solides plans d’action, et dans la mise en place des structures concordantes, plutôt que divergentes, divisionnistes.
Cependant ce thème qui, pour sûr, correspond à nos principes nationaux autant qu’à nos interrogations, n’en est pas moins redoutable. Ne vous attendez pas à ce que je vous offre de Maurice, un tableau idyllique, ou un parangon de toutes les vertus du dialogue. Il n’existe pas sous ce rapport, de modèles dans le monde. Pas plus que d’autres pays, Maurice n’en est pas un. Et les modèles, s’ils existaient, ne seraient pas transposables.
Cela dit, les observateurs extérieurs, les touristes, les hommes d’affaires internationaux, s’accordent pour considérer que le pays « arc-en-ciel » qui a, en 1993, accueilli à Grand Baie, un Sommet francophone sur le thème de « l’Unité dans la diversité » – (la devise officielle du pays, d’ailleurs, celle aussi de l’Union européenne) – est au moins, non un modèle, je le répète, mais un exemple de coexistence relativement pacifique.
A la lumière de l’Histoire du monde, mieux que d’autres terroirs, ce sont les Iles-pays comme Maurice, a-t-on dit, qui se trouvent bien en avance dans le domaine des relations humaines privilégiées.
« De tous les peuples de la terre, écrit Jean-Marie Leclézio, ce sont les gens des îles qui ont le mieux conçu et exprimé, mieux pratiqué la nécessité de la relation, parce que, dit l’écrivain, ils sont nés sur des terres de transit, terres de contact, sur lesquelles se sont succédé les explorateurs, les conquérants, les esclaves et les migrants économiques. »
Et selon l’écrivain antillais, Edouard Glissant, « les Mascareignes, les Antilles et autres archipels, ont cent ans d’avance sur les sociétés continentales, en matière de métissage, de diversité culturelle et linguistique, et de rencontre entre religions. »
Si les civilisations s’influencent mutuellement depuis des millénaires, ce qui différencie la notion de dialogue, c’est son caractère conscient. Le dialogue nécessite absolument une communication consciente.
Disons tout de suite que la notion de dialogue, sur le plan relationnel, et la stratégie du dialogue ne se seraient manifestées à Maurice qu’à l’époque de l’accession de la colonie néo-esclavagiste à l’Indépendance politique. C’est alors, et alors seulement, que Maurice évolua rapidement en un carrefour de dialogue ethnique, culturel et religieux, un exemple connu, reconnu et cité dans de très hautes sphères géo-politico-économiques et diplomatiques.

Essayons de regarder cela de plus près, ensemble. Je dis bien : ensemble, car il y a dans cette salle bien des connaisseurs de l’Ile Maurice qui peuvent en parler. Je les invite à prendre une part active dans le débat que je ne fais qu’introduire avec prudence.
L’Histoire de Maurice démontre que l’évolution chronologique de l’Ile-pays se découpe en 3 étapes : coloniale, indépendante, et républicaine.

La population de Maurice d’1,2 millions d’habitants est composée de différentes ethnies : celle d’origine indienne à 68% (dont 51% d’hindous, 17% de musulmans), les Créoles constituent 27%, les Chinois 3% et les Franco-mauriciens 2%).
Aux fins d’assurer le partage des pouvoirs politiques, économiques, entre les ethnies, un système de ‘meilleurs perdants’ vient équilibrer les résultats des élections législatives, d’où l’obligation pour le candidat à ces élections de déclarer son appartenance communale. La composition du Conseil des Ministres reflète nécessairement la diversité représentative des ethnies. La Constitution établit la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.
Dans le domaine linguistique, quoique l’anglais soit langue officielle et médium d’enseignement, c’est le français qui demeure le plus en usage, à côté du créole, langue populaire et des langues orientales, dont hindi, ourdou, tamoul, télégu, marathi, gujrathi, mandarin, arabic; les langues ancestrales servant surtout d’instruments d’identité communautaire. Les médias écrits sont massivement francophones, le français, l’anglais et le créole se partageant les médias électroniques. L’instruction publique étant obligatoire, l’anglais et le français sont enseignés dès le primaire jusqu’à l’université. La langue de l’Assemblée est l’anglais, mais le français peut y être utilisé.

L’ambassadeur de France Joel de Zorzi déclarait en 1993 que d’après les statistiques, plus de 80% de mauriciens peuvent communiquer en français. Cette langue appartient à la communauté mauricienne dans son ensemble.

Depuis 1968, année de son indépendance, surtout depuis 1992, fort de son statut de République, le pays a été doté de dimensions d’Etat-archipel (comprenant Maurice, Rodrigues, Agaléga, St. Brandon et autres îlots), d’Etat-nation libre, démocratique et laïc ; les pays de peuplement étant d’Europe, d’Afrique et d’Asie, y compris Madagascar, l’Inde et la Chine.
Dans sa lettre pastorale de 1990, l’évêque mauricien Monseigneur Margéot parle de la « paix sociale » qui règne dans le pays, en dépit (je cite) « de la diversité de nos origines et les tensions qui ressurgissent constamment entre les différents groupes ethniques, et entre les partis politiques. » Le Cardinal Margéot affirme néanmoins que « la nation mauricienne est en train de devenir une réalité » et « l’arc-en-ciel est devenu le symbole de cette nation riche en couleurs dont le Pape (Jean Paul II) nous a dit que, par sa situation de carrefour entre l’Orient et l’Occident, et par ses liens avec le continent africain, elle a la vocation de faire la synthèse des meilleures valeurs de ces différentes civilisations ».
En rapport avec les trois étapes de son évolution historique chronologique, et du fonctionnement de la société aux différentes époques du développement de l’Ile, Maurice aura expérimenté graduellement, d’abord, le dialogue intérieur de chacun, faute de confiance et de respect mutuels; puis, le dialogue social, national ; et enfin, le dialogue international et cyber-planétaire.
Je me dois de bien souligner, ici, les natures et les types de relations à Maurice, entre les ethnies, entre les cultures, et entre les religions.
Je me dois de faire ressortir les spécificités du dialogue original qui transcende les différences, les disparités, les besoins de distinctions ; ce dialogue qui seul a le pouvoir de créer, de maintenir, et de sauvegarder l’exquise félicité d’une coexistence et d’une cohabitation dans l’ensemble pacifique.
Avec l’avènement de la cybernétique dans notre cyber- île, c’est d’un cyber – dialogue que Maurice voudrait doter ses relations mondiales et planétaires, pour la Paix, la Solidarité, l’Entraide, bref, les accords d’une Entente Cordiale entre toutes les nations.
Dans l’Ile Maurice post-moderne, les Technologies de l’Information et de la Communication ont investi tous les secteurs économiques, et impérativement l’Etat va multiplier les initiatives de diplomatie économique voire de dialogue international.
Nous l´avons dit: la conscience mauricienne du dialogue social, national ne s´est manifestée sensiblement qu´à partir de l´éveil de la chose publique ; signal d´un développement civique du peuple, d´une émancipation politique de part et d´autre.
En périodes d´esclavage, puis d´engagisme, appelées : « le temps margoze, » c´était d´une part, la domination, le système répressif cruel et d´autre part, les révoltes intériorisées, et, bien évidemment, la peur et la méfiance.

Dans son volumineux livre d´Histoire de Maurice, Sydney Selvon se demande:
« Avec autant de peur et de méfiance, au cours de son histoire, c´est surprenant que Maurice n´ait pas subi de révolution violente. »
Pas de révolution violente, en effet, mais, à la place, la confrontation permanente, sinon l´aversion que l´on devine chez la majorité opprimée, silencieuse, faite de soumission, d´endurance, autrement, de cette patience, cette attente nourrie d´amertume et de rancœur.
 » Un autre facteur qui a empêché une explosion sociale violente, » dit Sydney Selvon est, « le nombre de divisions et de sous divisions en races, classes, castes, tribus, religions, et langues au sein de la majorité des masses populaires. » (fin de citation)
La parole impossible à cette époque esclavagiste, priva les classes sociales de dialogues ethnique, culturel, religieux également, puisque l´exigence du dialogue passe par l´échange, le partage et l´écoute entre les parties; le respect aussi, l´assurance et la confiance.

Tout en appréhendant les critères de la vive cohabitation et de la coexistence pacifique que nous inspire la population inter- et multiethnique voire cosmopolite de Maurice, nous ne saurions passer sous silence cette réflexion de Jean-Claude de l’Estrac, journaliste et ancien ministre mauricien qui écrit courageusement de son côté :

« En somme, il n’y a pas eu de miracle de la coexistence pacifique des races. Les ethnies, dès l’origine, sont dans la logique d’un brassage qui rend assez dérisoires les appartenances singulières au pays des identités multiples, la coexistence est en chacun. Et souvent chez ceux qui ne se l’imaginent pas. »
La coexistence est en chacun. Formule-clé à retenir. Elle exprime la devise philosophique mauricienne et universelle qui fait l’objet de cette conférence débat, et sur laquelle nous reviendrons.
Jean-Claude de l’Estrac publie une trilogie historique sous le titre : « Mauriciens, Enfants de Mille Races, » le premier volet paru récemment traite de l’histoire du peuplement de Maurice. « Mauriciens enfants de mille races, » écrit l’auteur, « c’est aussi un hommage aux premiers Indiens libres venus du sud de l’Inde à l’instigation de Mahé de Labourdonnais, si admiratif de leurs métiers. » (fin de citation)
Le volet de l’Histoire de Maurice, axé sur l’émergence, l’évolution, voire la révolution de la politique à Maurice, démontre certes combien la politique (en l’occurrence la politique politicienne) allait mettre en péril le climat social de la coexistence, d’autant plus avec l’exploitation d’un communalisme avec pour résultats : une campagne électorale qui n’a de cesse, et aucune limite non plus entre opposition et obstruction, démocratie et démagogie, liberté et licence, adversaire et ennemi. Autant dire que par-dessus ces problèmes sociopolitiques, vu l’exiguïté du territoire et champ d’action, combien le dialogue doit se surpasser vraiment pour rétablir chaque fois et très vite, la paix et l’harmonie, d’où la spécificité, l’exception, je dirais même la valeur transcendante du dialogue mauricien, du triple dialogue ethnique, culturel et religieux.
Il faut comprendre l’âpreté des luttes intestines (socio-politico-économiques) de la population pour saisir l’importance, des Partis politiques, grands et petits, qui se sont succédé pour tenter de garder, d’arracher ou de partager le pouvoir ; surtout l’importance du dialogue social, national, à tout prix, préférablement au prix le plus fort, vu la succession des combats idéologiques sur des sujets brûlants au cours des deux siècles d’histoire de Maurice, par exemple, l’éducation primaire obligatoire dès 1993 sur la motion de quel ministre mauricien de l’Education ? Je vous laisse deviner.
Citons deux ou trois étapes violentes de l´Histoire de l´Ile, dont l’émeute de 1911, après les fausses rumeurs de l´assassinat du Dr. Eugène Laurent, fondateur en 1907 du mouvement politique ‘l’Action Libérale’; pire en 1943, quand les révoltes culminèrent dans la tuerie de Belle-Vue Harel. Les policiers reçurent l´ordre d´ouvrir le feu sur les grévistes : quatre travailleurs furent tués, dont un enfant et une femme enceinte du nom d´Anjalay, devenue héroïne nationale.
Des affrontements interethniques fomentés, en 1968, avant l´Indépendance, des bagarres raciales opposant musulmans de la Plaine Verte aux créoles de Roche-Bois, deux banlieues de Port Louis.
En février 1999, après la mort en cellule policière du ségatier KAYA, un début d’affrontements entre hindous et créoles.
Je suis heureux de faire ressortir que grâce à la rapide intervention du Président Cassam Uteem et de chefs religieux, le dialogue et la paix ont pu être rétablis.
Autant d´exemples, pour démontrer que si ces flambées raciales auront été vite éteintes et la paix rétablie, cela a toujours été au moyen des dialogues assez spécifiques, il faut le croire, dans leur force de conviction, de persuasion, comme dans leur pouvoir de négociation; témoins, ces mouvements d´entente nationale, et autres encore, d´entité mauricienne. Voilà pourquoi l´Ile Maurice multiethnique et multipolaire comme est fait le monde, toute proportion gardée, s´avère un exemple, pour ne pas dire un modèle, au reste du monde, où les conflits perpétuels ont atteint même l´horreur des attentats terroristes ; Maurice, laboratoire sociologique, anthropologique, s´avère plus que jamais un vivant exemple de dialogue pour la paix mondiale, la solidarité et l´entr’aide entre peuples et entre pays.
D´ailleurs, au lendemain de son Indépendance, l´Ile Maurice a vite fait d´intégrer l´ONU, l´UNESCO, et d´amorcer le dialogue régional et international avec de nombreux pays amis, dont ses pays de peuplement, et quel dialogue de haute technicité diplomatique au sein de nombreux autres organismes internationaux ! Un dialogue toujours porteur de fructueux échanges valorisant nos atouts économiques, commerciaux, touristiques et humanistes !
Sur le plan du dialogue Inter-îles du Sud-Ouest Océan Indien, de Madagascar à Rodrigues, en passant par Réunion, Seychelles, Comores ; et c’est l’Ile Maurice qui se veut Centre Financier Régional avec offshore et port franc, qui abrite le siège de la COI : la Commission de l’Océan Indien, instrument de concertation, de coordination et d’exécution avec le français comme langue commune.
La COI fut créée en 1984 par l’Union Européenne. Le Président français Jacques Chirac, a participé le 22 juillet dernier, au Sommet des Chefs d’Etat des pays membres de la COI où il a réaffirmé le soutien de la France au développement économique et politique de la région.
Maurice, avons-nous dit, se distingue de plus en plus dans les nouvelles technologies communicatives, dans le Cyberdialogue, dans la mondialisation médiatique, le dialogue des dialogues !
Citons pour références, trois des récents ouvrages de trois intellectuels mauriciens:

En culture, l´essai du Professeur Issa Asgarally, préfacé par Jean Marie Leclézio et intitulé :
« L´Interculturel ou la guerre »

En religion, la thèse théologique de l´Abbé Jean-Claude Véder, intitulé :
« Dire Dieu jusqu´à le célébrer ensemble »

En histoire des idées, la thèse évolutionniste du poète Jean-Georges Prosper, intitulé :
« Chants Planétaires : le Bestial, l´Humain et le Divin »

Je voudrais aussi partager avec vous l’intérêt de deux ouvrages fondamentaux qui traitent le multiculturalisme, l´un publié en 1988 par le Centre Culturel Africain d´Etat, et qui réunit un choix spécifique de mes allocutions ministérielles et qui est intitulé, « Cultures ancestrales dans la création d´une Culture nationale mauricienne » et un autre ouvrage produit, cette fois, par l´Institut Mahatma Gandhi en l´an 2000, « Vers la Constitution d´une Société Multiculturelle. »
Vous retrouverez ces titres d´ouvrages parmi les textes de référence sur la fiche qui a été distribuée.
Et c´est en me réclamant de ces données fondamentales formulées par chacun de ces titres, donc par chacun de ces ouvrages (entre autres, bien entendu) que je vais mettre de l´avant quelques pensées cernant les lignes directrices de notre dialogue culturel ; les interactions riches et nombreuses que l´histoire, la géographie, et la culture ont tissées entre l’influence de chacun de nos pays de peuplement et la mauricianité.
Sous ce rapport, comme vous vous en doutez bien, je vais sans plus tarder vous communiquer quelques pensées du Directeur Général de l´UNESCO, M. Koichiro Matsuura, extraites de son discours d´investiture le 15 novembre 1999 :
« Apprendre la culture de l´autre, en restant à son écoute, c´est dissiper la haine et la méfiance, aider à bâtir la paix. Toutes les cultures vivantes, sont mouvantes, et s´influencent mutuellement, d´où l´enrichissement incessant de toutes les cultures humaines, à travers leur unité spirituelle et morale profonde. » (fin de citation)

Pour notre part, nous disons pourquoi nous sommes contre toute forme de sectarisme, contre tout ce qui entrave le sens du partage et l´échange entre les différentes composantes culturelles. Nous voudrions créer, disons-nous les conditions propices à un dialogue permanent entre les différents partenaires, afin que soit respectée et comprise, dans une perspective de générosité mutuelle, la spécificité de chacune des composantes de notre société pluriculturelle.
Aussi dans les années 80, en tant que ministre mauricien de l´Education des Arts et de la Culture, j’optais pour l´établissement d´une diversité de Centres Culturels, autant de centres que de cultures, et de langues aussi, en présence active, et presqu’en symbiose, à Maurice, et qui prenaient leur essor pour mieux converger vers l´idéal du mauricianisme intégral. Au sujet des langues, l’Ile Maurice étant multilingue, de par l’héritage colonial, le dialogue national exigeait de mes services une programmation systématique de l’enseignement des langues d’usage, dont les langues anglaise, française, orientales et ce, à divers degrés d’application.D’ailleurs je l’avais fait ressortir dans mon discours lors de l’ouverture de la Maison de l’Alliance Française à Maurice, il y a vingt ans en présence de l’écrivain français, feu Monsieur Marc Blancpain, alors Président de l’Alliance Française à Paris, je disais que « plus forte sera la présence française à l’Ile Maurice, plus forte sera la présence européenne, la présence africaine, la présence asiatique ; et plus imposante sera la présence mauricienne dans le concert des nations. »
En matière de culture, le multiculturel qui est prêt à interagir dans l´interculturel, créée un dialogue pluridimensionnel. La stratégie très payante consiste en une interaction entre développement culturel et développement économique. Au fait, le thème du développement économique a été l´une des constantes des discours politiques à Maurice d´où l´image du « tigre économique de l´Océan Indien » : Concept unificateur sur lequel reposerait un consensus social, » conclut Jean-Claude Lou, et dans ce même ouvrage de l’Institut Mahatma Gandhi, un autre universitaire Dave Dewnarain déclare que toute vraie culture ne peut qu’être multiculturelle, et la société mauricienne, transculturelle.
Pour sa part, se référant à l’essor culturel de ses « Chants Planétaires » le poète Jean-Georges Prosper, ici présent soutient qu’en ce nouveau siècle et millénaire, le dialogue mauricien interculturel s’est élevé davantage et s’est universalisé pour créer le phénomène du dialogue mondio-culturel.
Je voudrais faire ressortir ici combien le poète Jean-Georges Prosper a été intimement associé à mon parcours éducatif et culturel et, par la suite, à mes responsabilités ministérielles, comme Conseiller technique et directeur du Centre Culturel Africain, ce dont je lui sais gré.
Somme toute, comme déclaré précédemment par le poète, l’Ile Maurice passe du multiculturel inhérent, à l’interculturel, et mondialisation oblige, au mondio-culturel ; le phénomène relationnel du nouveau siècle ; comme passant du dialogue populaire et folklorique, au niveau de semi-classique et, avec transcendance, au classique, à l’universel qui pénètre l’âme évoluée, conscientisée de l’être humain indépendamment de son origine, et de son identité. (fin de citation)
Nous allons conclure avec l’argument du Professeur Issa Asgarally qui est convaincu de la nécessité de transcender le multiculturalisme au profit de l’interculturel ; par ailleurs le champ religieux, dit-il, trop souvent le théâtre d’affrontements en tout genre, devient comme dans la thèse de l’Abbé Jean-Claude VEDER, le lieu de l’échange interculturel, et de l’œcuménisme.
Je voudrais ici me référer à mon propre cheminement comme citoyen mauricien engagé et d’avant-garde, issu du village de Cap Malheureux, un de ces milieux modestes d’où, en 1951, le pays commençait son essor vers la sphère de la diversité culturelle, ethnique, et religieuse. Les enfants du peuple s’émancipaient alors à travers la scolarisation, l’éducation, et, bien entendu, les revendications de la chose publique.
D’ailleurs, au niveau universitaire, où je me suis spécialisé en administration, j’ai assuré également une formation spécifique dans les domaines social, politique, et économique comme une sorte de prédestination aux responsabilités d’un représentant du peuple jusqu’au niveau de ministre de l’Education, des Arts et de la Culture.
Ce que je retiens surtout de ces hautes expériences professionnelles et nationales, c’est l’impérieuse nécessité, la valeur incomparable d’un dialogue conscient à tous les niveaux. Ce qui fait du Mauricien responsable un être multiple, une personnalité plurielle sur les plans national et international.

Je citerai, en terminant, l’exemple d’une grande âme, de Mahatma Gandhi, dont s’inspirent nos institutions éducatives, culturelles et religieuses. A l’entrée de l’espace de l’Institut Mahatma Gandhi, à Moka, se trouve un buste du Mahatma Gandhi et sur le socle, est gravé son acte de foi œcuménique : je cite
I am a Hindu
a Muslim
a Christian
a Jew
En français : Je suis à la fois Hindou, Musulman, Chrétien, Juif.
Le dialogue mauricien y puise son rayonnement, sa spécificité à la fois cosmopolite et mondio-culturelle. Pour une civilisation cyber-universelle.

Je vous remercie de votre aimable attention.

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