M. Michel LEBON / Les décorations françaises de Napoléon au général de Gaulle : un lien francophone entre les nations

M. Lebon
M. Lebon

Intervention de M. Lebon :

Monsieur le président, monsieur le professeur Sami Paul Tawil, mesdames et messieurs

Le sujet du débat de ce soir a pour thème « Les décorations françaises de Napoléon au général de Gaulle : un lien francophone entre les nations »

Je vais tout d’abord vous parler des décorations puis de la francophonie et enfin le lien entre les deux.

Les décorations sont un élément de la grammaire diplomatique, c’est un symbole des valeurs.

L’évolution des décorations reflète l’évolution des structures politiques et sociales du monde. Sous l’ancien régime les décorations de chevalerie étaient réservées aux nobles.

Un peu d’histoire si vous le voulez bien :

Les ordres religieux, militaires et hospitaliers sont nés au cours des croisades avec les moines-soldats qui assuraient la sécurité des malades dans les hospices et la protection des pèlerins sur les lieux saints.

A l’époque des croisades, ces moines-soldats portaient un vêtement orné d’une croix, différente selon les ordres.

Il y avait trois grands ordres :

L’ordre souverain militaire hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte.

Après la chute de Saint-Jean d’Acre en 1291 et la disparition des Etats latins d’Orient, beaucoup d’ordres hospitaliers disparaissent et ceux qui survivent se sédentarisent.

Au moyen Age, les rois vont créer des ordres royaux de chevalerie en s’inspirant des ordres religieux hospitaliers. Ces ordres leur permettront de rassembler autour d’eux des gens de noblesse liés par serment à leur roi.

Apparaissent ainsi :

  • L’ordre de la Jarretière, créé par Edouard III en Angleterre en 1334
  • L’ordre de Saint-Michel, créé par Louis XI en 1469
  • L’ordre du Saint Esprit, créé par Henri III en 1578 demeurera le premier ordre de la monarchie française.
  • Etc…

De 1792 à 1802, au nom du principe d’égalité, on abolit les ordres royaux.

1802 voit la création de la Légion d’honneur par le Premier consul,

Napoléon Bonaparte.

Valeurs principales : « l’universalité » en droite ligne avec la déclaration des droits de l’homme accessible aux civils et aux militaires sans distinction de religion et de nationalité, pourvu qu’ils aient rendu des services à la nation

Le légionnaire est astreint à prêter serment de fidélité à l’Etat français jusqu’en 1871, date à laquelle le serment est abrogé.

La Légion d’honneur est un levier pour tirer l’élite d’un pays.

Elle récompense les mérites éminents des citoyens et les désigne comme

modèle de civisme français.

Avec la chute de l’Empire et le retour d’un roi sur le trône, on assiste au renouveau des ordres monarchiques. Puis, en 1830, Louis-Philippe, roi des Français, abolit tous les ordres monarchiques ; la Légion d’honneur devient la plus haute récompense nationale, militaire et civile.

De nombreux ordres spécialisés naissent à partir de la fin du XIX ème siècle par suite du développement continu des activités de l’Etat ou de la multiplication des départements ministériels spécialisés.

1883 l’ordre du Mérite agricole

1930 l’ordre du Mérite maritime

1955 l’ordre des Palmes académiques

1957 l’ordre du Mérite militaire, l’ordre du mérite civil, l’ordre du Mérite du travail, l’ordre des Arts et des Lettres.

En 1896 lors de l’expansion coloniale, la France décida d’utiliser certains ordres des pays placés sous sa protection et dont les structures correspondaient à celle de la Légion d’honneur.

– L’ordre royal du Cambodge fondé en 1864 par Norodom 1er devient un ordre français en 1896     

– L’ordre impérial du Dragon d’Annam créé en 1886 par l’empereur d’Annam devient un ordre français en 1896

La médaille militaire est instituée 50 ans après la légion d’honneur, le 22 janvier 1852 par Napoléon III, pour honorer les mérites de ses meilleurs hommes de troupes et augmenter les moyens à sa disposition pour récompenser ses soldats.

Au cours de la première guerre mondiale création de la croix de guerre

En 1940 le général de Gaulle chef des français libres fonde à Brazzaville un ordre de chevalerie contemporain l’ordre de la Libération.

Pour récompenser les personnes ou les collectivités militaires et civiles qui se signaleraient de manière exceptionnelle dans l’œuvre de la Libération de la France et de son Empire.

Le titre de Compagnon de la Libération n’est plus conféré depuis le 23 janvier 1946.

A deux reprises l’ordre de la libération fut exceptionnellement rouvert : en 1958 pour Winston Churchill et en 1960 pour Georges VI d’Angleterre.

1962 Création de l’ordre national du Mérite

La grande guerre de 1914-1918 avec ses innombrables actes de courage, puis la Seconde Guerre mondiale, auxquelles succédèrent les guerres d’Indochine, de Corée, d’Algérie avaient conduit à une inflation des attributions de la Légion d’honneur. Le prestige de cette décoration était mis en cause et une réforme générale du système des décorations s’imposait. Elle sera menée par le général de Gaulle.

L’ordre national du Mérite est créé le 3 décembre 1963 par le général de Gaulle, destiné à récompenser « les mérites distingués de citoyens ne présentant pas toutes les qualifications requises pour la légion d’honneur » notamment la durée de service, de 10 ans au lieu de 20 pour le premier ordre national.

C’est une décoration universelle qui est accordée dans tous les domaines d’activité, civils et militaires.

L’ordre national du Mérite établit également des liens au-delà de nos frontières.

Chaque année, plus de 300 étrangers reçoivent cette distinction pour la qualité des relations qu’ils entretiennent avec notre pays, dans tous les domaines d’activité.

L’Ordre se pare ici de vertus diplomatiques et fait rayonner la France et les valeurs de mérite et d’excellence à travers le monde.

Avec une triple vocation :

  • Traduire le dynamisme de la société
  • Donner valeur d’exemple
  • Reconnaître la diversité

L’ONM vient ainsi seconder la Légion d’honneur et se substitue partiellement aux ordres ministériels qui sont supprimés. Il facilite en outre l’attribution d’une décoration nationale aux étrangers.

4 ordres ministériels sont maintenus :

L’ordre des palmes académiques

L’ordre du mérite agricole

L’ordre du Mérite maritime

L’ordre des Arts et des Lettres

La grande chancellerie institution d’Etat autonome dirigée par le grand chancelier, administre les 4 distinctions nationales : La Légion d’honneur, la Médaille militaire, L’ordre national du mérite et la Médaille nationale de reconnaissance aux victimes du terrorisme.

Depuis le 15 novembre 2007 le président de la République grand maitre de nos ordres a souhaité que soit respectée une parité globale hommes-femmes dans les promotions civiles.

Et puis la Francophonie

La théorie d’Onésime Reclus, l’inventeur du mot « Francophonie » repose sur l’idée d’influence du milieu, la langue apparaît comme le socle d’une culture commune générateur de lien de solidarité.

Notre richesse c’est que toutes les familles humaines se sont entremêlées à l’infini depuis la fondation du monde.

Le Français est la 9ème langue la plus parlée sur tous les continents. Il y a 220 millions de Francophones dans le monde et pourrait atteindre 750 millions en 2050 dont 85% en Afrique.

Le Français a un rôle important à jouer dans l’ensemble des pays membres de l’organisation Internationale et la Francophonie se porte toujours bien.

Quatre sens peuvent être attribués au mot « francophonie » :

  • Un sens linguistique : « qui parle la langue française »
  • Un sens géographique : « l’ensemble des peuples et des hommes dont la langue est le Français »
  • Un sens spirituel et mystique : « le sens d’appartenir à une même communauté, partage de valeurs communes »
  • Un sens institutionnel : « l’ensemble des organisations publiques et privées œuvrant dans l’espace francophone. »

A l’heure de la mondialisation des échanges, l’idée d’une communauté basée sur le partage d’une langue et des valeurs culturelles a-t-elle un sens, un avenir ?

Voici ce genre de question à laquelle nous devrons peut-être apporter une réponse.

Léopold Sédar Senghor

Soutient la fondation de la Francophonie et fut le vice-président du Haut-Conseil de la Francophonie.

En 1962, il est l’auteur de l’article fondateur « le français, langue de culture » dont est extraite la célèbre définition : « La Francophonie, c’est cet Humanisme intégral, qui se tisse autour de la terre ».

Il théorise un idéal de francophonie universelle qui serait respectueuse des identités et imagine même une collaboration avec les autres langues latines.

En 1969, il envoie des émissaires à la première conférence de Niamey (17 au 20 février) avec ce message :

« La création d’une communauté de langue française sera peut-être la première du genre dans l’histoire moderne. Elle exprime le besoin de notre époque où l’homme, menacé par le progrès scientifique dont il est l’auteur, veut construire un nouvel humanisme qui soit, en même temps, à sa propre mesure et à celle du cosmos. »

Il est considéré, avec Habib Bourguiba (Tunisie), Hamani Diori (Niger) et Norodom Sihanouk (Cambodge), sans oublier Jean-Marc Léger (Canada Québec) comme l’un des pères fondateurs de la Francophonie.

La Francophonie, force d’actions, de propositions et de rassemblement face aux urgences du monde ?

Pour revenir sur le rôle joué par Bourguiba aux côtés de Léopold Sédar Senghor, Diori Hamani et Norodom Sianouk dans la naissance de la Francophonie institutionnelle : « Habib Bourguiba a rêvé la Francophonie comme il avait rêvé, des années auparavant, la nation tunisienne autour des mots d’émancipation, d’indépendance, de liberté, de modernité, d’égalité, de solidarité, et d’ouverture au monde. Habib Bourguiba a été un visionnaire et un précurseur dans bien des domaines ».

Reprenant la définition donnée par Habib Bourguiba à la langue française, « un moyen de contestation et de rencontre », elle indique que « l’avenir lui a donné raison : la langue française est à la fois plus subversive et plus rassembleuse que jamais ! ».

Ainsi « 49 ans après la signature du Traité de Niamey, la Francophonie est devenue cette Communauté de 84 Etats et gouvernements répartis sur les 5 continents. La Francophonie est devenue ce vaste espace de coopération et de solidarité, ce catalyseur, cette force de mobilisation autour de valeurs universelles, fécondée par notre diversité ».

Une francophonie solidaire et apolitique

L’intuition de la francophonie
La rencontre de Senghor avec Bourguiba a été déterminante dans son projet d’une communauté de nations francophones:
Une amitié de longue date liait en effet le futur président de la Tunisie avec Léopold Sédar Senghor, futur président du Sénégal, de même qu’avec Houphouët Boigny, futur président de la Côte d’Ivoire.

Il sera avec Diori et Senghor l’un des créateurs de l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), première institution de la Francophonie, fondée officiellement par 21 pays en 1970, à Niamey.

Alors le lien francophone entre les nations

Décorer une personnalité étrangère renforce les liens avec le pays dont elle est originaire ; on parle de l’influence diplomatique des ordres nationaux.

Avant 1805 Bonaparte a créé les insignes de chevalier et d’officier (argent) et commandeur (insigne en Or) de même taille d’où la difficulté d’échanger avec les pays étrangers qui ont des grandes croix.

Napoléon a donc créé la grand-croix permettant des échanges avec tous les pays d’Europe et fait naitre la diplomatie de masse avec le support des décorations.

Les liens de Francophonie se traduisent par des échanges de décorations.

La distinction est attribuée (hors contingent) à des chefs d’État (lors de la visite d’État), Premiers ministres, membres de gouvernement, ambassadeurs, hommes d’affaires ou artistes étrangers lors de leur venue en France, et à quiconque a servi les intérêts de la France. Par exemple, le 19 février 1999, le président de la République Jacques Chirac a remis l’insigne à des anciens combattants américains de la Première Guerre mondiale. Également, le 24 août 2015, François Hollande a remis l’insigne aux trois Américains et au Britannique qui s’étaient saisis du terroriste de l’attentat du train Thalys le 21 août 2015 pour le désarmer.

Voilà mesdames et messieurs ce que modestement j’ai essayé de vous dire ce soir concernant les décorations de Napoléon au général de Gaulle : Un lien Francophone entre les nations.              

Je vous remercie de votre attention. »


Pablo Poblete, M. Tawil, Alban Bogeat, Mme Giraudon
Pablo Poblete, M. Tawil, Alban Bogeat, Mme Giraudon

Introduction d’Alban Bogeat :

Madame le Sénateur, chère Mme Christiane Kammermann,
Chers membres du Cercle,
Chers Amis,

Je suis ravi de vous retrouver nombreux, ce soir, pour accueillir M. Michel LEBON, Président de l’association nationale des membres de l’ordre national du Mérite. M. LEBON, que je remercie vivement d’avoir accepté notre invitation, a choisi d’intervenir sur le thème : « Les décorations françaises de Napoléon au général de Gaulle : un lien francophone entre les nations ». Je tiens à souligner que c’est notre grand Ami le professeur Sami Paul TAWIL, fidèle membre du Cercle, qui est à l’origine de cette rencontre, et c’est donc à lui qu’il reviendra naturellement tout à l’heure de présenter notre orateur.

Auparavant je voudrais comme à l’accoutumée vous faire part de l’actualité récente du Cercle: – – le 26 septembre j’étais convié, ainsi que notre Secrétaire générale, à représenter le Cercle pour la commémoration des 130 ans de la statue de la Liberté de Paris, à l’île aux Cygnes. La société Le Cordon Bleu, fidèle soutien du Cercle, organisait à cette occasion une mini-croisière sur la Seine en présence de SE Mme l’Ambassadeur des Etats-Unis et de M. le Maire du 15ème arrondissement. M. André Cointreau, Président du Cordon Bleu, nous a rappelé que cette statue avait été offerte à la France par les Américains de Paris en 1889, pour le centenaire de la révolution française, 3 ans après l’inauguration de sa grande sœur à New York, offerte par les citoyens français pour le centenaire de la déclaration d’indépendance des Etats-Unis.

Le 9 octobre j’étais invité à participer aux travaux de la commission francophonie du CESE (le Conseil Economique, Social et Environnemental), réunion consacrée à la préparation de la journée internationale de la francophonie 2020. J’y ai présenté au titre du Cercle Richelieu Senghor un projet de lecture par une comédienne de textes d’auteurs francophones des 5 continents, avec accompagnement musical : un module d’une heure, réutilisable, qui est en cours d’élaboration grâce à la générosité d’un de nos membres.

Voilà pour l’actualité du Cercle. Notre dîner de ce soir est placé sous le signe des médailles et décorations, avec notre invité M. Michel LEBON, bien sûr, mais aussi, par une heureuse coïncidence, avec notre Ami Pablo POBLETE, poète franco-chilien, qui s’est vu décerner le titre de Chevalier des Arts et des Lettres par le ministre de la Culture, promotion printemps 2019, et a souhaité que je lui remette cet insigne, ce soir à l’occasion de son passage à Paris. J’en suis bien sûr très touché et j’ai accepté avec grand plaisir.

Cher Pablo POBLETE,

Vous êtes né à Santiago du Chili au sein d’une famille d’artistes et d’intellectuels francophiles. Cela semblait vous destiner à une existence tranquille… Mais il n’en a rien été, et à l’âge de 18 ans vous prenez les armes, pour défendre la liberté et la démocratie au Chili, à la suite du coup d’Etat du général Pinochet, en 1973.

Vous fondez l’Union des Jeunes Ecrivains du Chili, un mouvement de poètes résistant contre la dictature.

Après quoi vous quittez votre pays. Exilé volontaire, vers l’Argentine, puis vers l’Afrique, un voyage en bateau « à la Tintin » direz-vous, émaillé d’aventures rocambolesques qui ont tout de même failli vous coûter la vie.

En 1978, vous faites un court séjour à Paris. Jeune poète hispanophone de 23 ans vous ne parlez pas français à l’époque. Pourtant vous allez choisir la France et établir une relation passionnelle avec elle, même si depuis 2013, vous partagez votre vie entre Paris et le Québec.

Impossible de citer tous vos livres, publications, expositions, conférences, tant en France qu’à l’étranger… Je me limiterai à quelques exemples qui ont piqué ma curiosité :
On trouve à votre actif une exposition de peintres français sur l’Île Robinson Crusoë à 700 km des côtes chiliennes. Ou encore l’exposition « 120 Peintres français pour Sarajevo » à la Villette en 1994. En 2013 vous créez une bibliothèque francophone à l’Université de Talca, une ville du sud du Chili. Enfin en 2017 vous organisez « 24h de poésie ininterrompue pour une Paix universelle » à l’hôtel Istria, à Montparnasse.
Vous avez reçu de nombreuses distinctions, je n’en citerai qu’une : vous êtes Chevalier dans l’Ordre des Palmes académiques depuis 2010, en reconnaissance (je cite) « de votre apport à la diffusion internationale de la culture française ».
Et cette année le Ministre de la Culture a choisi de vous honorer en vous décernant le titre de Chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres, pour « votre contribution et votre engagement au service de la culture » à travers l’ensemble de votre œuvre.

Cette distinction, vous m’avez prié de vous la remettre, en tant que Président du Cercle Richelieu Senghor de Paris, ce que je fais avec grand plaisir (et aussi avec émotion en pensant au poème ND de Paris que vous êtes venu nous lire ici même, après le dramatique incendie).

Alors cher Pablo, au nom de M. le Ministre de la Culture je vous remets ces insignes de Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres.

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