Mme Antonine MAILLET / La mélodie acadienne dans la symphonie francophone

Madame Antonine MAILLET, Romancière et dramaturge.

Antonine Maillet
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Antonine Maillet
Antonine Maillet
Livre d'or du Cercle - 6 novembre 2017
Livre d’or du Cercle – 6 novembre 2017

 


 

Introduction d’Alban Bogeat

Monsieur le représentant de l’ambassade du Canada à Paris, M. Karim Amégan,

Monsieur le représentant du gouvernement du Nouveau-Brunswick en France, M. Mathieu Caissie,

M. le maire de la ville de Caraquet, M. Kevin Haché,

M. le maire de Marennes, M. Mickaël Vallet,

Chers membres du Cercle, chers amis,

Nous avons ce soir le privilège – et le plaisir – d’accueillir une très grande dame de la littérature francophone, romancière et dramaturge acadienne, Madame Antonine Maillet. Je voudrais vous souhaiter la bienvenue, chère Antonine Maillet et vous remercier d’avoir réservé du temps pour cette soirée du Cercle, à la faveur de votre venue en France.

C’est un moment d’autant plus fort pour moi que c’est aussi la première fois que je m’adresse à vous tous ici en tant que président du Cercle Richelieu-Senghor de Paris (le Cercle, espace d’échange et de réflexion sur la Francophonie et le dialogue des cultures). C’est en effet le conseil d’administration du 10 octobre qui m’a désigné pour succéder à Anne-Marie Cordelle. Anne-Marie Cordelle que je tiens à remercier ici très chaleureusement pour son implication à la tête du Cercle tout au long des deux mandats qu’elle vient d’effectuer.

Le Cercle poursuivra l’œuvre entreprise, avec toujours au poste de secrétaire générale, Nathalie Brousse. Quant à la fonction de Trésorier, Philippe Valois, qui a accompagné le Cercle depuis ses débuts, a souhaité passer la main (ce qui est bien légitime), et nous avons maintenant une trésorière, Brigitte Laug. Enfin le maintien de nos dîners au Sénat est assuré grâce au soutien de notre nouveau parrain, jeune sénateur de la Haute-Savoie, M. Loïc Hervé, que j’espère pouvoir vous présenter une prochaine fois.

Après ces brèves informations sur la vie du Cercle, je voudrais revenir au thème de notre soirée. Je laisserai tout à l’heure Mathieu Caissie, représentant du gouvernement du Nouveau-Brunswick, à qui revient l’initiative de cette rencontre, nous présenter la biographie de notre invitée.

Pour ma part, je voudrais simplement vous dire en quelques mots ce qu’évoque pour moi la présence d’Antonine Maillet parmi nous ce soir.

Tout d’abord je me souviens d’avoir lu avec beaucoup de plaisir il y a plusieurs années déjà, son roman Pélagie la charrette, lauréat du prix Goncourt. Et je me rappelle avoir été séduit dès les premières pages par la personnalité de cette héroïne, sorte de Mère Courage acadienne. Je me suis laissé volontiers embarquer à bord de sa carriole brinquebalante. J’imaginais les essieux grincer, le fouet claquer, les bœufs renâcler, Pélagie jurer et maugréer… Une maîtresse femme, cette Pélagie, qui veillait sur tout son petit monde, réussissant à faire d’une triste aventure une joyeuse équipée ; mais Pélagie devait compter aussi avec le spectre de la grande faucheuse, la mort, qui rôdait souvent dans les parages et parvenait de temps en temps à lui arracher un de ses protégés. Et cependant elle n’avait pas le temps d’être triste, Pélagie, car pour un compagnon de route disparu, il y en avait cinq, il y en avait dix à recueillir, errant sur ces mauvais chemins, à la recherche de leur paradis perdu, un petit coin d’Acadie paisible d’où un gouverneur anglais les avait chassés brutalement, eux qui aspiraient seulement à vivre en paix sur leur lopin de terre.

Et puis je voudrais évoquer un 2ème souvenir. Celui d’un voyage en Louisiane, l’été 2004, un an avant l’ouragan Katrina. Je me suis rendu un jour à St Martinville pour y visiter le mémorial acadien. Devant l’hôtel de ville il y avait 3 grands mâts. Sur le plus haut d’entre eux, au centre, flottait le drapeau acadien : le drapeau tricolore frappé d’une étoile d’or. Et puis de part et d’autre, mais plus bas, il y avait d’un côté le drapeau américain, et de l’autre celui de la Louisiane : un pélican sur fond bleu. Beau symbole, ce drapeau acadien flottant haut dans le ciel d’une petite ville de Louisiane. Ensuite je suis entré dans le mémorial, un lieu chargé de solennité et d’émotion. Il y avait au sol une flamme, brûlant à la mémoire des disparus de ce que l’histoire a pudiquement appelé « le Grand Dérangement ». Et puis sur les murs étaient gravés les noms de milliers d’Acadiens ayant cherché refuge en Louisiane, les Thibodeau, les Cormier, les Girouard, et autres Broussard, Belliveau, ou Landry. Autant de patronymes croisés au fil des pages de Pélagie la charrette.

Enfin, chère Antonine Maillet, votre venue ravive aussi le souvenir de mes trois années passées à Montréal à la fin de mes études. Mon premier grand voyage. La découverte émerveillée d’une Amérique en français, avec ses gratte-ciels, ses grosses voitures et ses larges avenues. Et l’attachement des Canadiens à la langue française n’est certainement pas étranger à mon intérêt pour la francophonie. Au début, j’habitais dans le quartier du port, là où se trouvait alors mon école, HEC Montréal. Les premiers mois je louais une chambre juste au-dessus d’une taverne qui s’appelait La grange à Séraphin. Sa façade était habillée de rondins de bois, façon cabane de trappeurs. Je me souviens le tout premier matin d’avoir été réveillé par le hurlement des sirènes de pompiers qui s’arrêtaient sous ma fenêtre. Je suis sorti en toute hâte pour me rassurer… et découvrir que le bâtiment voisin était complètement dévasté. Séraphin, c’était alors le héros d’une série à succès de Radio-Canada, mais curieusement j’ai découvert depuis que c’était aussi l’un des pseudonymes utilisés par Rabelais (Séraphin Calobarsy, anagramme de François Rabelais). Quel rapport, me direz-vous ? Eh bien Rabelais, je crois savoir, chère Antonine Maillet, que vous en êtes une éminente spécialiste. Et les personnages de Rabelais, j’ai cru les retrouver dans ce quartier du port de Montréal où j’ai côtoyé des gens modestes et rudes, mais très attachants, comme vous aimez à les décrire, et auprès de qui j’ai découvert les nuances de la langue française outre Atlantique, comme ce jour où ma logeuse m’a dit : « Albin, faut que j’te prrézeinte ma p’tzite nièce, une vraie catin ». Je ne savais pas trop à quoi m’attendre, mais en fait il s’agissait d’une jeune fille tout à fait honorable habitant chez ses parents et j’ai compris alors que le mot catin désignait tout simplement une jolie fille !

Alors voilà, chers amis, quelques images qu’évoque pour moi la visite d’Antonine Maillet. Tout à l’heure Mathieu Caissie nous présentera sa biographie, mais en attendant je vous laisse poursuivre vos échanges que je souhaite chaleureux et enrichissants.

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